Jean-Bernard Marlin. Shéhérazade

Film, France, 2018

Marie-Hélène Dacos-Burgues

p. 41-42

Référence(s) :

Jean-Bernard Marlin, Shéhérazade Film, France, 2018, 112 minutes.

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Jean-Bernard Marlin. Shéhérazade  », Revue Quart Monde, 248 | 2018/4, 41-42.

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Jean-Bernard Marlin. Shéhérazade  », Revue Quart Monde [En ligne], 248 | 2018/4, mis en ligne le 01 juin 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7799

En prologue1 passent des images en noir et blanc, images d’actualités des vagues d’immigration arrivées dans le port de Marseille au siècle dernier : Italiens dans les années 20, Maghrébins plus tard, puis passent ensuite des images des bidonvilles et enfin des tours d’immeubles du Nord de la ville. Alors, sans transition autre que des images de la « bonne mère » qui situent le lieu, des bruits caractéristiques de levée d’écrou accompagnent un jeune homme de dix-sept ans sortant de prison. C’est Zacharie, le personnage principal. Sa mère n’est pas là pour l’attendre. L’éducatrice qui est venue le chercher essaie d’expliquer que la mère n’est pas en mesure de s’occuper de lui. Le jeune homme est alors conduit dans un foyer dont il s’échappera immédiatement pour rejoindre ses copains des quartiers Nord. C’est dans ces quartiers qu’il va rencontrer une jeune fille de seize ans, qu’il croit avoir déjà connue dans son collège alors qu’elle-même n’en a aucun souvenir. Shéhérazade se livre à la prostitution avec quelques copines. À longueur de journée elle tapine. Mais il semble que ces filles ne soient pas encore contrôlées par un proxénète. Zacharie se présente comme client. Il dit assez crûment : « Je respecte les femmes, mais pas les putes ». Les péripéties de la vie en marginalité, la délinquance et ses pièges se referment sur eux assez vite. La jeune fille recueille Zacharie qui est à la rue, dans un logement minable qu’elle partage avec une transsexuelle qui s’adonne elle aussi à la prostitution. Shéhérazade minimise ce qu’elle fait. Elle dit d’ailleurs qu’elle n’a pas d’autre solution. Par la force des choses Zacharie devient proxénète, sans trop savoir ce qu’il fait. L’attrait de l’argent est fort pour ce spécialiste de toutes sortes de vols, comme il le raconte. Et de fil en aiguille ces deux-là vont commencer à s’apprécier de plus en plus, à s’aimer vraiment d’un amour émouvant.

La réussite de ce film n’est pas tellement « la gouaille des personnages, leur justesse stupéfiante, leur énergie folle »2, ni que ce soit « un film brûlant sur un petit miracle : l’éclosion de l’amour là ou il n’y en a plus trace »3, ni que ce film soit « construit autour d’une question d’actualité : le respect de la femme, quelle qu’elle soit »4, c’est, me semble-t-il, son mérite de poser la question de ce qu’est devenue l’offre de civilisation que nous avons faite aux pays du Sud. Dans nos quartiers où leurs parents ont fait leur vie, ces enfants en rupture familiale, qui ne trouvent pas de travail, n’ont pas droit au revenu minimum d’insertion (ou d’activité), et sont sans doute en décrochage scolaire depuis un bout de temps, sont emblématiques de tant d’autres qui existent bel et bien partout en France. Ils se débrouillent comme ils peuvent, presque totalement abandonnés. Et personne ne parle de ces réalités-là car elles sont trop rudes et heurtent la morale. Soyons donc reconnaissants à Jean-Bernard Marlin d’avoir réalisé un film si juste, même si la violence de certaines scènes est bien difficile à supporter. Le parler des acteurs est un parler local métissé. Par exemple degun signifie en provençal « personne ».

1 Film de Jean-Bernard Marlin, France, 2018, 112 minutes.

2 Critique du journal Le parisien.

3 Critique du journal L’Obs.

4 Critique de Télérama.

1 Film de Jean-Bernard Marlin, France, 2018, 112 minutes.

2 Critique du journal Le parisien.

3 Critique du journal L’Obs.

4 Critique de Télérama.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

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