David Meyer, Michel Remaud, Tareq Oubrou, La vocation de la Terre Sainte, Un juif, un chrétien, un musulman s’interrogent. Préface de Bernard Philippe

Éd. Lessius (Namur, Belgique), coll. L’Autre et les autres, 2014, 316 p.

Daniel Fayard

p. 62-63

Référence(s) :

David Meyer, Michel Remaud, Tareq Oubrou, La vocation de la Terre Sainte, Un juif, un chrétien, un musulman s’interrogent. Éd. Lessius (Namur, Belgique), coll. L’Autre et les autres, 2014, 316 p.

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Daniel Fayard, « David Meyer, Michel Remaud, Tareq Oubrou, La vocation de la Terre Sainte, Un juif, un chrétien, un musulman s’interrogent. Préface de Bernard Philippe », Revue Quart Monde, 234 | 2015/2, 62-63.

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Daniel Fayard, « David Meyer, Michel Remaud, Tareq Oubrou, La vocation de la Terre Sainte, Un juif, un chrétien, un musulman s’interrogent. Préface de Bernard Philippe », Revue Quart Monde [En ligne], 234 | 2015/2, mis en ligne le 01 décembre 2015, consulté le 25 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7850

L’ouvrage s’ouvre sur une longue préface de Bernard Philippe, diplomate en poste à Jérusalem, qui en situe le contexte et les enjeux : une pensée religieuse qui courageusement et sans tabou s’interroge sur elle-même (penser le religieux et la sainteté autrement), l’absence d’intersection entre les sphères religieuses et politiques (la notion de pardon comme clé du vivre ensemble), l’invitation à un véritable corps à corps avec la réalité de l’Etat d’Israël. Comment accepter que notre terre ne nous soit jamais rendue et apprendre que nous n’avons pas besoin de recourir à tout prix à la violence pour exister ? Comment rechercher une éthique pour affiner les critères nécessaires à la sortie des conflits (de la violence au droit et à la justice) et sceller un bon accord de paix ?

Ce sont ici trois théologiens qui s’interrogent chacun de leur côté. Il est nécessaire de le préciser, car ils ne dialoguent pas ensemble comme le lecteur aurait pu le souhaiter. Néanmoins ils s’expriment sur le même thème : les questions religieuses liées à la réalité politique de l’État d’Israël, sous le double aspect de la relation à la terre et de la relation au pouvoir. Pour le contributeur juif, la question de la relation à la terre précède celle de la relation au pouvoir. Pour le contributeur musulman, c’est au contraire la question de l’exercice du pouvoir qui, au niveau théologique, précède celle de la relation à la terre.

David Meyer argumente en faveur d’un abandon volontaire de souveraineté sur Jérusalem, qui n’a pas besoin d’être la capitale de l’État d’Israël pour garder sa signification religieuse pour le peuple juif. Il faut, selon lui, rendre à la ville son unique potentiel de sainteté et la préserver de toute propriété et possession. De façon analogue, il estime qu’on ne doit pas gouverner en se référant systématiquement à l’inspiration divine. En politique, la démagogie religieuse et l’automatisme ou l’immédiateté de l’application de la loi divine ne sont pas de mise. L’éthique du pouvoir réside dans la considération prioritaire de la liberté de tous les citoyens. On peut rester fidèle aux principes et aux enseignements de sa propre tradition, mais en cherchant à minimiser le tort que l’on pourrait causer aux autres traditions.

Comment lire le Coran après l’instauration de l’État d’Israël ? se demande Tareq Oubrou. Il entend se prévaloir d’une théologie de la réalité : il y a des données de l’histoire et de la sécularisation, qui sont incontournables. Et il y a des questions fondamentales. Quand est-ce qu’un croyant est véritablement au service de son Dieu et quand est-ce qu’il s’en sert ? Quand est-ce qu’une nation ou une communauté religieuse est dans une logique spirituelle et quand est-elle en train de transformer une religion en bouclier de protection ou en arme identitaire offensive ? Déjà, dans la Bible, le prophète voulait rendre le pouvoir à Dieu tandis que le roi voulait le garder pour lui-même en s’appropriant les attributs de la divinité. Le Coran s’est intéressé aux récits des prophètes pour en tirer des enseignements, une morale.

Michel Remaud, tout en rappelant la pertinence des données bibliques, développe pour sa part la position des Églises et des chrétiens locaux. Il s’en tient, de façon très diplomatique, à des questionnements (impossible consensus ? la terre, un thème central ou marginal ? Israël, un État comme les autres ?), et se prémunit contre deux tentations : juger et prendre parti !

Daniel Fayard

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