Paola Pigani, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures

Éd. Liana Levi, 2013, 218 p.

Claude Dinnat

p. 59-60

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Paola Pigani, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures

Éd. Liana Levi, 2013, 218 p.

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Claude Dinnat, « Paola Pigani, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures  », Revue Quart Monde, 233 | 2015/1, 59-60.

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Claude Dinnat, « Paola Pigani, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures  », Revue Quart Monde [En ligne], 233 | 2015/1, mis en ligne le 01 septembre 2015, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7854

C’est le premier roman de Paola Pigani, qui s’était consacrée jusqu’alors à l’écriture de poésies et de nouvelles. Ce qui explique que ce livre nous introduise dans un univers poétique et que l’histoire, pourtant très dramatique, nous soit contée avec pudeur, réserve et sensibilité.

De quoi s’agit-il ? Peu de gens de notre époque ont entendu parler du décret du 6 avril 1940 qui a édicté la norme suivante : « En période de guerre, la circulation des nomades, des individus errant généralement sans domicile fixe, ni patrie, ni profession effective, constitue pour la défense nationale et la sauvegarde du secret, un danger qui doit être écarté. » À la suite de cette disposition, environ 350 Tsiganes de Charente Maritime et de Charente furent amenés et internés, en octobre 1940, au camp des Alliers, près d’Angoulême, sous l’autorité du préfet et de la Kommandantur.

Cette errance et cet enfermement nous sont montrés à travers le destin d’une gamine de quatorze ans et de sa famille. L’innocence, la candeur de cette enfant, sa découverte d’un monde hostile et inhumain, tout cela nous émeut, sans pathos. Elle a une force de caractère, une capacité d’émerveillement et une pureté telles qu’elle arrive à transformer un réel cruel et absurde en source d’espoir. Elle est l’élément solide qui veille sur sa tribu : père, mère, frères, tante vivent dans une seule pièce, dans la boue, le froid, la maladie, le désespoir.

Ce livre est un hommage au peuple gitan, paré ici de toutes les vertus. C’est peut-être cet excès que l’on peut reprocher à l’auteur. Mais ce n’est pas une étude de mœurs, un roman réaliste ou une œuvre d’historien. C’est un chant, une ode à la mémoire de ces manouches libres et fiers, dont les capacités de sublimer toute misère par la musique et la poésie sont ici magnifiées.

Et on sent que Paola Pigani est profondément, viscéralement solidaire de ces destinées.

Claude Dinnat

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