André Gueslin, D’ailleurs et de nulle part. Mendiants vagabonds, clochards, SDF en France depuis le Moyen Âge

Éd. Fayard, 2013, 535 p.

Michèle Grenot

p. 61-62

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André Gueslin, D’ailleurs et de nulle part. Mendiants vagabonds, clochards, SDF en France depuis le Moyen Âge, Éd. Fayard, 2013, 535 p.

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Michèle Grenot, « André Gueslin, D’ailleurs et de nulle part. Mendiants vagabonds, clochards, SDF en France depuis le Moyen Âge », Revue Quart Monde, 227 | 2013/3, 61-62.

Référence électronique

Michèle Grenot, « André Gueslin, D’ailleurs et de nulle part. Mendiants vagabonds, clochards, SDF en France depuis le Moyen Âge », Revue Quart Monde [En ligne], 227 | 2013/3, mis en ligne le 01 février 2014, consulté le 30 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7884

Après deux livres sur la grande pauvreté1, l’un pour le 19ème, l’autre pour le 20ème siècle, André Gueslin se consacre cette fois à l’histoire du Moyen Âge à nos jours, de ceux qu’on appelait autrefois les vagabonds et qu’aujourd’hui on nomme SDF, qui ont en commun l’errance.

Pour ce faire, il puise ses sources dans de nombreuses œuvres littéraires (du Roman de la Rose au prix Goncourt), et artistiques (peinture, chanson, airs d’opéra, cinéma, etc.), dans les récits de chroniqueurs, journalistes, enquêteurs, dans les discours de courants idéologiques ou religieux et dans ceux des hommes de pouvoir : les errants y sont bien présents et pourtant absents de notre culture comme sujets de notre histoire. En 1989 des historiens intervenus comme André Gueslin lui-même au Colloque Démocratie et pauvreté, organisé par l’Université de Caen et ATD Quart Monde, avaient conclu : l’historien doit s’interroger sur ce regard des autres souvent négatif. C’est ce à quoi s’emploie André Gueslin dans cet ouvrage, en tant qu’historien mais aussi en tant que citoyen, précise-t-il.

Les vagabonds comme les SDF feraient plutôt partie des « mauvais pauvres », accusés de tous les maux et surtout celui de ne pas travailler. Mais leur comportement n’est-il pas lié aux aléas impitoyables de l’errance ? A l’exception de quelques figures comme les hippies des années 70, il s’agit bien de toute une population au bas de l’échelle sociale, en rupture de moyens de subsistance, de logement, de liens familiaux, d’emploi ou, dans le cadre d’un travail, comme certains petits métiers ou les journaliers... Leurs paroles saisies par les autres reflètent le discours dominant qui leur donne une mauvaise image d’eux-mêmes mais on peut saisir aussi leur honte et leur quête de dignité.

On serait tenté de voir une continuité, une fatalité historique étant donné les rémanences de fantasmes et de rejets à travers le temps : y aura-t-il donc toujours des « condamnés à l’errance » et, pour certains, dans l’impossibilité de s’en sortir quand on reste trop longtemps à la rue, condamnés à y mourir, hier comme aujourd’hui ?

Ce temps long de l’histoire révèle les choix politiques et économiques d’une époque à l’autre. Leur nombre enfle avec les crises frumentaires, industrielles et postindustrielles. Très tôt le vagabond est considéré comme suspect, le vagabondage est devenu un délit pour avoir transgressé les normes, l’objectif est de « surveiller et punir » selon l’expression du philosophe Michel Foucault ; la répression est sans pitié, de la marque au fer chaud à l’enfermement et au travail forcé... Avec la Révolution française, les droits de l’homme sont à l’ordre du jour, le pays s’achemine vers le 20ème siècle et l’État providence. Et pourtant après l’apparition du terme clochard au 19ème, plus attaché à la ville, celui de SDF est toujours d’actualité, malgré un changement « considérable », écrit l’auteur : de coupables ils deviennent sujets de droit (avec notamment la loi sur le RMI, la loi Besson, « la grande loi de 98 » (loi d’orientation de lutte contre les exclusions) faisant suite au rapport Wresinski, le Dalo… On pourrait ajouter que ce changement a été rendu possible grâce à des personnes, des familles, qui ayant aujourd’hui connu l’errance, ont pu en témoigner et être entendues. André Gueslin conduit le lecteur à prendre conscience du poids du passé dans les schémas de représentation, à se défaire de certains préjugés discriminants.

1 Handicaps, pauvreté et exclusion dans la France du XIXe siècle.

André Gueslin et Henri-Jacques Stiker2003). Éditions de l'Atelier, 2003, 270 pages.

Collection : Patrimoine.

Une histoire de la grande pauvreté dans la France du XXe siècle.

Éd. Fayard/Pluriel, 2013, 490 pages

Collection : Pluriel

1 Handicaps, pauvreté et exclusion dans la France du XIXe siècle.

André Gueslin et Henri-Jacques Stiker2003). Éditions de l'Atelier, 2003, 270 pages.

Collection : Patrimoine.

Une histoire de la grande pauvreté dans la France du XXe siècle.

Éd. Fayard/Pluriel, 2013, 490 pages

Collection : Pluriel

Michèle Grenot

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