Silvia Avallone, D’acier

Éd. Liana Levi, 2012, 400 p.

Amélie Dessens

p. 62-63

Référence(s) :

Silvia Avallone, D’acier, Éd. Liana Levi, 2012, 400 p.

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Amélie Dessens, « Silvia Avallone, D’acier », Revue Quart Monde, 227 | 2013/3, 62-63.

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Amélie Dessens, « Silvia Avallone, D’acier », Revue Quart Monde [En ligne], 227 | 2013/3, mis en ligne le 01 février 2014, consulté le 25 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7886

Piombino est une ville industrielle réputée pour son aciérie, plantée en face de l’île d’Elbe et pourtant tout à fait aux antipodes de ce petit paradis où affluent les touristes. Ce roman nous plonge dès l’abord dans l’ambiance d’une Italie industrielle dont on parle peu. Via Stalingrado, les habitants n’ont pour horizon que l’usine Lucchini où la plupart des hommes travaillent.

Silvia Avallone nous fait entrer dans la vie de deux jeunes adolescentes, Francesca et Anna, qu’une amitié très exclusive lie profondément, sorte de rempart contre une vie qu’elles n’ont pas choisie, entre un père violent et une mère effacée pour l’une, et les nombreuses absences du père pour l’autre. C’est aussi la découverte précipitée de l’âge adulte, la perte de l’innocence faute de guide pour ces deux jeunes filles dont l’amitié va être mise à mal. L’écriture est sans concession, parfois crue, pour décrire les sentiments des personnages, les corps qui se débattent, pressés de vivre, où les coups remplacent le plus souvent les mots qu’on ne trouve pas.

Au-delà d’une vision parfois un peu stéréotypée de certains personnages (le père d’Anna semble faire fortune dans des pratiques mafieuses ; l’ami de son frère Alessio revient de quelques années d’exil en Russie après l’échec d’un cambriolage à main armée), Silvia Avallone parvient à nous faire partager, surtout dans la première partie de son livre, le quotidien de familles très modestes qui ne savent pas toujours à qui s’adresser pour se sortir de situations difficiles quand le loyer est impayé, quand le chômage menace. Les personnages ont une réelle épaisseur, ils nous deviennent familiers à mesure que l’on découvre leur territoire : des immeubles mal entretenus, la plage qui n’en est pas vraiment une, l’usine qui ne fonctionne pas à plein régime mais avale les hommes de Piombino autant qu’elle les rend fiers du travail qu’ils y font.

C’est aussi cela qui nous touche : des réalités humaines, dans une société italienne machiste, entre les difficultés et la gêne à s’avouer ses échecs, les hauts et les bas entre volonté de s’en sortir et résignation. Les mères des deux adolescentes symbolisent à elles seules ce va-et-vient et la honte de s’ouvrir à propos de leurs difficultés : Sandra et Rosa hésitent, tentent de se confier l’une à l’autre, puis s’enferment chacune sur son sort, cherchant à préserver les apparences. Mais il y a un point sur lequel elles se rejoignent : la volonté de se battre pour leurs enfants, de leur assurer un avenir.

Il n’y a dans ce livre aucune condescendance, au contraire un regard qui semble juste, parfois dur et conscient de ses failles, mais non dénué d’espoir.

CC BY-NC-ND