Yves Zoberman, Une histoire du chômage. De l’Antiquité à nos jours

Éd. Perrin, 2011, 341 p.

Daniel Fayard

p. 63

Référence(s) :

Yves Zoberman, Une histoire du chômage. De l’Antiquité à nos jours, Éd. Perrin, 2011, 341 p.

Citer cet article

Référence papier

Daniel Fayard, « Yves Zoberman, Une histoire du chômage. De l’Antiquité à nos jours », Revue Quart Monde, 223 | 2012/3, 63.

Référence électronique

Daniel Fayard, « Yves Zoberman, Une histoire du chômage. De l’Antiquité à nos jours », Revue Quart Monde [En ligne], 223 | 2012/3, mis en ligne le 01 février 2013, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7895

Le rapport 2011 du Bureau international du travail sur l’emploi dans le monde évalue à 205 millions le nombre de personnes touchées par le chômage, un chiffre jamais atteint auparavant dans l’ensemble des grandes économies développées et qui selon toute vraisemblance restera très élevé. Allons-nous vers une société de travailleurs sans travail ? Le chômage impose aujourd’hui son empreinte. Il questionne nos solidarités et nos politiques publiques.

Yves Zoberman a entrepris de dresser une fresque historique des caractéristiques, des représentations et des causes de ce phénomène particulier d’exclusion sociale, qui s’est manifesté au cours des siècles sous différentes formes mais qui a toujours suscité des réactions et des politiques pour tenter de l’enrayer au nom de la nécessaire valeur contributive du travail, aussi bien pour la dignité de chacun que pour le bien de tous.

C’est ainsi que l’auteur examine ce qu’en rapportent la Bible et l’expérience des sociétés gréco-romaines, avec un fort accent sur la condamnation de l’oisiveté des pauvres et sur le devoir de leur fournir du travail. Aux 13ème et 14ème siècles, l’exode rural des paysans chassés de leurs terres (cf. les enclosures en Angleterre) amène dans les villes et les paroisses des vagabonds qu’il faut secourir. Du 16ème au 18ème siècle, on recourt même à l’enfermement des pauvres et à l’organisation des ateliers de charité comme moyens de lutte contre le chômage. Puis le Speenhamland Act de 1795 en Angleterre innove avec la reconnaissance d’un « droit de vivre universel » et l’instauration d’un revenu minimum garanti, qui sera aboli en 1834 : « Il ne sert à rien de dépenser de l’argent public pour aider les pauvres puisque les fabriques naissantes peuvent les employer en augmentant la richesse nationale ». Mais l’invention des métiers à tisser automatiques met sur le carreau des ouvriers qui n’ont désormais d’autres moyens de survie que de rejoindre l’assistance des workhouses ou des Ateliers nationaux. C’est à la fin du 19ème siècle que commencera à apparaitre progressivement l’idée d’une assurance sociale concernant « la perte d’activité professionnelle ». Dès lors on voit évoluer le traitement législatif du « chômage moderne », dans les pays européens comme aux USA, à travers les effets conjoncturels de la crise de 1929, des guerres, des périodes de plein emploi ou de chômage de masse.

Tout au long de cette évolution reconstituée, l’auteur prend soin de faire revivre les débats politiques et idéologiques qui divisent l’opinion, sur les rôles interdépendants entre les valeurs de la démocratie et les lois du marché. Il n’hésite pas à faire valoir les points de vue les plus critiques : « L’État providence à la française serait largement responsable de notre chômage endémique. C’est un paradoxe qui fait qu’en voulant aider les plus faibles, l’État les maintient dans une situation qui les affaiblit encore plus. En développant un système où la protection sociale est financée par les charges sur les salaires, l’État décourage les entreprises d’embaucher de nouveaux salariés. » (D’après une note de Denis Olivennes, fondation Saint-Simon, 1994).

Au total, l’ouvrage d’un auteur relativement facile à lire, assez bien documenté, menant de front ses investigations principalement en Angleterre, en France et aux États-Unis.

Daniel Fayard

Articles du même auteur

CC BY-NC-ND