Sarah Smarsh. Heartland. Au cœur de la pauvreté dans le pays le plus riche du monde

Catherine Bourgeois éditeur, 2019

Daniel Fayard

p. 59-60

Bibliographical reference

Sarah Smarsh. Heartland. Au cœur de la pauvreté dans le pays le plus riche du monde. Titre original : « Heartland. A memoir of Working Hard and Being Broke in the Richest Country on Earth ». [2018]. Catherine Bourgeois éditeur, 2019, 286 p.

References

Bibliographical reference

Daniel Fayard, « Sarah Smarsh. Heartland. Au cœur de la pauvreté dans le pays le plus riche du monde », Revue Quart Monde, 252 | 2019/4, 59-60.

Electronic reference

Daniel Fayard, « Sarah Smarsh. Heartland. Au cœur de la pauvreté dans le pays le plus riche du monde », Revue Quart Monde [Online], 252 | 2019/4, Online since 01 December 2019, connection on 29 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8366

Sarah Smarsh est aujourd’hui journaliste traitant de questions économiques et sociales pour différents journaux dont The Guardian et le New York Times. Elle a 39 ans. Elle vit dans l’État du Kansas (USA) où elle a grandi dans une famille pauvre d’agriculteurs. C’est son premier livre. Elle raconte son parcours en s’adressant à l’enfant qu’elle a décidé de ne pas avoir : August, une fille.

Elle essaye de lui dire « Ce que ça fait d’être un enfant pauvre dans un pays riche bâti sur la promesse de l’égalité ». De lui faire comprendre aussi pourquoi elle a fait en sorte de ne la concevoir que dans son esprit : lui éviter d’avoir à vivre le destin qui a été celui de son arrière-grand-mère, de sa grand-mère et de sa mère. Toutes ont eu un enfant à l’adolescence et ont connu par la suite des vies chaotiques sans union stable, sans perspective de sécurité financière et de promotion sociale.

« Ne pas tomber enceinte » a été pendant des années l’obsession majeure de Sarah. C’était la condition première pour rompre avec cette fatalité d’une lignée de mères célibataires, pour poursuivre une scolarité, gagner sa vie et acquérir une autonomie.

Elle livre un très long récit de son enfance dans la ferme familiale, dressant un portrait attachant des membres de sa famille, décrivant dans le détail la vie quotidienne d’hommes et de femmes stigmatisés et rendus honteux à cause de leur plus grande pauvreté dans une société américaine aveuglée par la surévaluation de la réussite méritocratique. « La preuve la plus éclatante du mépris de l’Amérique à l’égard de ceux qui sont dans la difficulté est sans doute sa manière d’appréhender les programmes d’aide sociale, présentés par les Pouvoirs publics et dans le discours général comme une chose si abjecte que ma famille a toujours refusé d’en faire la demande, alors qu’elle y avait droit. »

Le récit de Sarah Smarsh comporte un regard d’une grande lucidité sur la politique de son pays, à partir de la situation faite aux populations rurales des grandes plaines centrales. Elle reste en effet profondément habitée par « l’endroit d’où elle vient ». « Ma vie aura été comme un pont entre deux mondes : travailleurs pauvres et classes économiques supérieures. Ville et campagne. Collègues de travail éduqués et proches déshérités. Éducation plutôt conservatrice et vie d’adulte progressiste. Maison en pleine campagne et bureau sur la côte Est. Monde physique dans lequel je parle aux gens et dimension immatérielle où je te parle à toi (August). »

Une autobiographie nourrie et documentée dont la rédaction aura duré une quinzaine d’années, faisant droit tout à la fois aux souvenirs d’enfance et aux regards adultes de la journaliste. Il y a beaucoup de clarté, de précision, de compassion et d’humanité dans ce livre.

Daniel Fayard

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