Kolette Turquot, Lucien Duquesne, Kolette

Editions Science et Service Quart Monde, Paris, 1987 ,220 pages

Jean Theisen

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Kolette Turquot, Lucien Duquesne, Kolette, Editions Science et Service Quart Monde, Paris, 1987 ,220 pages

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Jean Theisen, « Kolette Turquot, Lucien Duquesne, Kolette », Revue Quart Monde [En ligne], 126 | 1988/1, mis en ligne le 01 octobre 1988, consulté le 27 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8765

De 1983 à 1985, Lucien Duquesne était en mission au Québec. C'est là qu'il a rencontré Kolette Turquot. De cette rencontre est né un livre. Y vit une enfant, une adolescente, une femme dans sa famille, avec ses amis, au creux d'une société occidentale élitiste et efficace...

Y vit aussi un peuple de pauvres dans sa « terre » : Ville Jacques-Cartier au sud de Montréal ; un peuple de pauvre face au « bien-être » curieusement nommé : l'aide sociale.

La découverte du mouvement est pour Kolette comme l'arrivée en terre promise...

Quand on a lu Kolette, on n'est plus le même. On est plus le même à condition d'être (encore) apte à recevoir une leçon d'humanité. Kolette a un ton léger, enjoué, plein d'humour quand, face à Lucien, elle raconte, elle développe sa pensée. Mais ce ton ne doit pas nous tromper : toute la détresse humaine s'exprime ici, dans le langage du Québec, de beaux mots anciens ou inventés au contact de l'anglophonie.

On ne fait pas le commentaire d'un tel témoignage. Il existe en allemand le terme « zerreden », ce qui signifie traduit littéralement : déchirer par les mots. Je ne déchirerai pas par des mots, les miens, l'expérience de vie et la sagesse d'une grande dame. Je ne peux que m'incliner avec un respect ému devant l'intelligence et l'humour - qui en est le signe - de Kolette Turquot. C'est cela « maîtriser la vie », ce n'est pas autre chose.

Ne lirait-on que le chapitre intitulé « on décide à la place des pauvres » (p. 168 ss) cela devrait suffire pour inciter à faire une révision de nos systèmes de références et de valeurs. Ce sont les réflexions de Kolette sur l'avortement et la contraception. Nous connaissons ces réflexions que tous les pauvres du monde font, avec leurs pauvres mots mais Kolette leur prête les siens, pour les exprimer avec intelligence et grandeur. Je vous livre les deux derniers alinéas de ce chapitre :

« Dieu, il a fallu qu'il aime beaucoup pour décider de créer les hommes. Un couple, il faut qu'il aime beaucoup pour décider de faire un enfant. Mais tu sais, parfois, il faut aussi que tu aimes beaucoup pour accepter de ne pas faire d'enfant. Moi, j'aurais tellement voulu donner la vie.

Mais est-ce que j'aurais tellement voulu donner la vie. Mais est-ce que j'aurais eu le droit de mettre des enfants au monde en sachant qu'ils auraient pu être malades comme moi ? Finalement, c'est le médecin qui a tranché la question. Ça m'a pris du temps pour essayer de m'y faire, et je m'y ferai peut-être jamais, je crois... Tu sais, il faut vraiment beaucoup aimer pour accepter de ne pas avoir d'enfant. »

Après de telles paroles, il convient de se taire.

Jean Theisen

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