Marie-Abdon Santaner, François d'Assise et de Jésus

Éditions Desclée de Brouwer, Paris, 1984, 270 pages.

Germaine Quéméré

Bibliographical reference

Marie-Abdon Santaner, François d'Assise et de Jésus, Éditions Desclée de Brouwer, Paris, 1984, 270 pages.

References

Electronic reference

Germaine Quéméré, « Marie-Abdon Santaner, François d'Assise et de Jésus », Revue Quart Monde [Online], 128 | 1988/3, Online since 01 March 1989, connection on 29 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8823

Dans la profusion des livres parus sur François d'Assise, celui du Père Santaner offre des raisons d'accrocher l'attention de tous ceux qui, sous une forme ou sous une autre, travaillent « en terre d'exclusion ». L'originalité du livre tient, en effet, à ce que l'auteur est « habité » par la réalité de l'exclusion : dans la vie de saint François, dans la vie du Christ, dans la vie de tout homme.

Dans la première partie, le père Santaner s'emploie à découvrir dans la vie de François le trait essentiel de son visage : un visage d'exclu.

Un visage d'exclu quand François refuse pour lui et les siens une quelconque appropriation des biens, et cela au moment où la commune d'Assise s'organise en s'appuyant sur l'argent et la force, et consacre le droit de tous ceux qui ont des propriétés. Le choix de ne rien posséder en propre fait de François et de ses frères des hors-statuts. Mais des hors-statuts par le choix qu'ils ont fait. Ce choix leur a valu une situation d'exclusion mais on ne peut pas dire qu'ils aient choisi d'être exclus.

Un visage d'exclu quand François « sortant d'Assise » rejoint les lépreux, refusant d'imposer des limites ou des frontières à sa rencontre avec autrui.

Visage d'exclu quand François et les siens refusent de faire du mouvement franciscain un allié des projets pontificaux pour assurer le bon fonctionnement de l'Eglise. Les chemins sur lesquels François entraîne ses frères sont ceux de la foi, de l'ouverture à tous, du brigand au sultan, non ceux du droit.

Visage d'exclu quand le frère Élie veut avec d'autres structurer la fraternité avec plus de rigueur et qu'un statut lui est donné par l'approbation d'un texte, d'une règle. François qui n'avait voulu ni droit ni statut, se trouve marginalisé au milieu des siens. Épreuve très dure qui n'est pas l'exclusion choisie. François est exclu par ceux-là mêmes qu'il a enfantés à la vie évangélique. Son chemin tient à sa fidélité au crucifié, Jésus, qui dans sa démarche d'exode a été conduit « hors des portes ».

L'expérience de l'exclusion fait partie de l'expérience concrète de tous les hommes. C'est ainsi que le père Santaner élargit son propos en montrant que dès le détachement du sein maternel et jusqu'à la mort, l'homme y est confronté. De même tout groupe humain exclut celui qui le met en péril. Acceptée comme un passage vers plus de vie, l'exclusion peut faire progresser vers plus de vérité sur soi. Mais elle est un fait négatif et devient odieuse quand elle interdit à ceux qui la subissent de disposer de biens essentiels à la vie.

Alors les hommes en appellent au droit. Pour protéger la vie, le droit met en œuvre la puissance de la loi. Mais c'est le signe que l'on a cessé de vivre en homme et qu'il faut que les Droits de l'Homme soient de nouveau énoncés.

Germaine Quéméré

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