Gabrielle Chambordon, La Suisse des autres

Ed. Zoé, Genève, 1981

Chantal Ricard

Référence(s) :

Gabrielle Chambordon, La Suisse des autres, Ed. Zoé, Genève, 1981

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Chantal Ricard, « Gabrielle Chambordon, La Suisse des autres », Revue Quart Monde [En ligne], 133 | 1989/4, mis en ligne le 18 mai 2020, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8884

Une petite fille, entre ses 8 et 14 ans, vit dans sa famille pauvre, blessée, mais unie.

Mais « l’ordre social », dans ce pays, pense que la pauvreté ne suffit pas à rendre « heureux ». Aussi cette petite fille se trouve finalement enlevée à sa famille et placée. Le livre partage le drame intérieur de cette enfant, son impuissance à résister au système de « l’ordre social » et de « l’éducation. »

Après cette lecture, on reste sans voix. On assiste à la souffrance à l’état brut d’une enfant. On se rend compte de la fragilité d’une âme d’enfant, de la très grande délicatesse que demanderait toute approche et on se méfie de toutes les certitudes.

Il semble que cette famille n’ait pas été considérée comme partenaire valable par les services sociaux. Il y a autour d’elle un certain nombre de personnes, bien intentionnées, qui ont voulu bien faire en alertant les services sociaux. Le père était alcoolique, la maman parfois violente. Ils habitaient une maison mal famée (voisins : prostituées, pédérastes, criminels.) On comprend qu’une question se soit posée pour ces enfants. Mais ils étaient heureux, on s’aimait chez eux.

C’était une famille qui avait son honneur.

Les parents ont essayé de se battre mais ils se sont sentis impuissants face au système social et la petite fille est cruellement blessée de voir cette impuissance de son père. Elle voulait de toutes les fibres de son être pouvoir continuer à aimer et à respecter ses parents. Et tout cela a été inutile. C’est finalement la maman qui demande le placement des enfants. On a l’impression d’un irrémédiable gâchis. Les enfants aussi n’ont-ils pas le droit d’être partenaires, quand il s’agit de décider de leur destin ?

Ce livre est de la même veine que « La vie devant soi » d’Emile Ajar, mais encore plus bouleversant, car l’auteur a vécu cette enfance. On en sort soi-même blessé. L’auteur a trouvé un style qui lui permet de faire exprimer à l’enfant toute la profondeur de sa souffrance, sa réflexion sur la vie, sur la société, sur les comportements adultes, sur l’éducation, avec beaucoup de vérité, de poésie et parfois même d’humour. C’est un livre plein de pudeur, de tendresse, il est inoubliable.

Chantal Ricard

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