Andrée Ruffo, Yves Beauchemin, Finalement les enfants

Editions Art Global, Montréal, 1991, 172 pages

Elisa Hamel

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Andrée Ruffo, Yves Beauchemin, Finalement les enfants, Editions Art Global, Montréal, 1991, 172 pages

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Elisa Hamel, « Andrée Ruffo, Yves Beauchemin, Finalement les enfants », Revue Quart Monde [En ligne], 143 | 1992/2, mis en ligne le 19 mai 2020, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8940

Ce livre, préfacé par James P. Grant, directeur général de l’Unicef, comporte trois documents : un essai d’Andrée Ruffo, une nouvelle d’Yves Beauchemin se situant dans une réserve amérindienne et le texte officiel de la Convention des droits de l’enfant. Je ne parlerai que de l’essai d’Andrée Ruffo : « Le langage des enfants. »

Andrée Ruffo est juge à la Chambre de la Jeunesse à la Cour du Québec. Elle est connue - et même critiquée - pour ses prises de position par rapport aux responsabilités que chacun porte pour le respect des enfants et en particulier pour les enfants victimes de violences physiques et morales. Elle intitule son essai « Le langage des enfants » car elle sait qu’ils nous parlent, nous disent leur souffrance. Mais « où sommes-nous donc quand ils crient, pleurent ; hurlent, se tuent, se brisent ? » Elle commence son récit en présentant quelques-uns de ces enfants et jeunes qu’elle a rencontrés au cours de sa carrière. « pour éviter le malentendu », pour que nous ayons devant les yeux, dans nos cœurs, des visages, des corps et non des chiffres, des concepts, des analyses.

Ces situations accusent notre passivité d’adultes responsables, mais nous montrent en même temps des chemins pour assumer ces responsabilités, chemins que certains parents, enseignants, voisins… ont osé prendre : « Si aujourd’hui encore je prends le risque de parler des enfants, c’est que leur souffrance m’habite, c’est que je crois profondément que nous sommes prêts à nous mobiliser, à nous lever et à agir ensemble non seulement, pour dire, mais pour vivre avec nos enfants une nouvelle page de l’histoire. »

Si Andrée Ruffo parle des enfants, elle parle aussi de leurs parents « abuseurs », qui bien souvent ont été eux-mêmes frappés ou violés dans leur enfance : « Ce sont des hommes et des femmes qui souffrent… Non, ils ne souffrent pas. Ils sont souffrance. Ils attendent un signe, un geste, une main de l’espoir… Pour d’autres, l’énergie fait soudain défaut, l’horizon se bouche. Combien de femmes, un beau matin, seules chefs de famille, restent au lit, incapables de s’occuper de leurs enfants ? Pourquoi se lever ? La nourriture manque.

Cette nouvelle journée ressemblera à hier, à avant-hier, au mois dernier, à l’année dernière. Alors pourquoi, pour qui se lever ? Combien de pères désespérés ne parlent plus ni à leur femme, ni à leurs enfants ? Ils regardent la télévision à longueur de journée et parfois de nuit, honteux de ne pas avoir de travail, convaincus de leur impuissance et de leur nullité. Le sentiment de culpabilité, la pauvreté, la solitude, la fatigue, le découragement, la compétition féroce, la honte, tout cela existe.

« Pour que cesse la souffrance des enfants… il faudra que cesse également la souffrance des adultes qui en sont responsables. Il faudra s’attaquer à la pauvreté, à l’isolement, à la violence, au racisme. Il faudra que la communauté devienne responsable de ses frères et sœurs plus démunis, moins favorisés. »

Elisa Hamel

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