Michel Fize, Les bandes. L’"entre-soi" adolescent

Coll. Epi, Desclée de Brouwer Paris, 1993, 188 p.

François Gaumer

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Michel Fize, Les bandes. L’"entre-soi" adolescent, Coll. Epi, Desclée de Brouwer Paris, 1993, 188 p

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François Gaumer, « Michel Fize, Les bandes. L’"entre-soi" adolescent », Revue Quart Monde [En ligne], 151 | 1994/3, mis en ligne le 20 mai 2020, consulté le 25 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8995

« Tout rassemblement de jeunes peut-il être défini en termes de « bandes » ?... Peut-on qualifier de « bandes » le rassemblement de garçons au pied d’une cage d’escalier, discutant ou fumant une cigarette ou bien écoutant de la musique ? Les choses ne sont pas si simples. (...) Essayons de déchiffrer ensemble leur vraie personnalité. Sachons - ce faisant - que sur la scène adolescente se pressent des regroupements de nature et de forme variées. Tel est le propre de l’adolescence qui se conjugue, aujourd’hui comme hier, d’abord au pluriel. » La préface annonce ainsi l’exercice de décodage proposé au lecteur par Michel Fize, historien et sociologue au CNRS.

Il remonte le fil du temps jusqu’aux Xème et XIème siècles, pour montrer que le regroupement adolescent n’est pas un phénomène d’aujourd’hui. Il analyse plus longuement le phénomène des célèbres « blousons noirs » et ce que les « Apaches », avant eux, au début de notre siècle, exprimaient déjà comme désirs, matériels et affectifs, comme rêves et refus d’une jeunesse démunie face aux normes d’une société qui ne lui reconnaissait pas de place collective et ne lui demandait que la patience. Il décrit aussi les bandes des autres pays d’avant la Première guerre mondiale, de l’entre-deux guerres jusqu’à nos jours, illustrant ainsi ce phénomène également mondial.

Cependant, cherchant à éviter les amalgames, l’ouvrage définit les caractéristiques de ce que l’on nomme aujourd’hui communément « bande », dans sa diversité (zoulous, skinheads.) A l’aide de nombreux exemples (articles de journaux, avis de psychologues, sociologues, éducateurs, juges, gendarmes), il essaie d’écarter les idées reçues à propos de ces bandes dont les violences ne sont qu’une conséquence.

L’urbanisation massive au début des années 50, l’entassement dans les banlieues ont aggravé les choses. Déjà à cette époque, on s’était rendu compte qu’il n’y avait rien de prévu pour les jeunes. Aussi vont naître les premiers projets pour éviter « que ne se forment en masse des bandes de jeunes - inadaptés - « : maisons de jeunes, centres sociaux, etc.

La perte des valeurs pour la société, du rôle du père dans les familles, la recomposition des références, etc. se répercutent sur la jeunesse. En l’absence de normes culturelles claires et cohérentes proposées par les adultes, les adolescents prennent l’initiative de leur propre socialisation. Elle creuse encore davantage le fossé entre les générations : mode de vie, vêtements, langage, musique (le rap), modes d’expression (le tag, le graff.)

Tout ce qui est difficile à vivre aujourd’hui (individualisme, ennui, la « crise économique ») pour les adultes, l’est encore plus pour les adolescents qui doivent se faire une place dans cette société. Une conclusion qui donne à réfléchir.

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