Isabelle Drouin, Salauds de pauvres !

Editions Avatar, Paris, 1992, 157 p.

Janine Dantan

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Isabelle Drouin, Salauds de pauvres ! Editions Avatar, Paris, 1992, 157 p

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Janine Dantan, « Isabelle Drouin, Salauds de pauvres ! », Revue Quart Monde [En ligne], 152 | 1994/4, mis en ligne le 20 mai 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9003

Cet ouvrage est avant tout un pamphlet. C’est dire qu’on y rencontre parfois quelques exagérations. Mais c’est aussi un constat terrible, un cri de révolte, en même temps qu’un inventaire très négatif de notre société d’abondance, de gâchis, dont l’incurie produit toujours plus de pauvres.

Isabelle Drouin passe successivement en revue les différentes variétés de « pauvres » : les mendiants, les clochards, le citoyen bas de gamme dont l’existence dérange, le « nouveau pauvre » qui est celui « …devenu si pauvre qu’il ne peut plus mettre un toit sur sa tête. »

Pour l’auteur, les pauvres sont devenus des parias, des marginaux, qui doivent souvent supporter le poids du mépris public. « Toutes les civilisations ont toléré et protégé les plus faibles, pas nous ! » Ses critiques virulentes et précises sont dirigées contre toutes les prétendues rationalisations faites au nom de la rentabilité (suppressions de lignes à la SNCF, suppressions d’emplois dans le métro et dans d’autres transports publics), les délocalisations (personnes déplacées au nom de la performance), la destruction du tissu social, « l’assassinat de la paysannerie française », la France en voie de « sahélisation », le « mythe imbécile de la croissance. »

Car il faut se demander : « La croissance de qui ? » lorsqu’on constate l’éclatement de la famille du fait qu’un parent ne peut plus, avec le prix de son travail, loger les siens. C’est aussi une critique de la « société de consommation », qui n’est que le « véhicule du profit » destiné à enrichir les industriels des multinationales et qui contribue à paupériser une tranche non négligeable de la population : les petits besogneux qui entrent dans le cycle infernal de l’endettement, « poussés par une publicité omniprésente. »

Il s’ensuit une série d’attaques tous azimuts : la préemption de l’Etat sur la propriété, les droits sur l’héritage, les dons forcés d’organes, les entraves à la liberté d’expression, la justice, la libéralisation de la drogue, les marchands d’armes et de centrales nucléaires clés en main. Des sujets auxquels le lecteur ne s’attend pas forcément en lisant le titre de l’ouvrage. Le pamphlétaire se défend de faire des digressions car, en ces domaines aussi, les abus de la force publique, selon une « Déclaration des droits de l’Etat sur l’homme », aboutissent à « la faim des innocents » et au gouvernement par les plus fortunés, caricaturé sous le terme de « ploutocrassie. »

Le pamphlet contient aussi des remèdes aux maux dénoncés. L’auteur propose de réhabiliter tous les métiers que les adeptes de la productivité ont supprimés (« le rentable n’est pas vivable ») et de partager le travail et les ressources (« le rentable pour quelques-uns, c’est la mort assurée pour tous. »)

Que dire de ce livre ? Quel commentaire apporter à cette logue et féroce diatribe ? Sinon qu’elle renforce à l’évidence la conviction qu’une politique globale, cohérente et prospective contre la pauvreté et pour les droits de l’homme est absolument nécessaire.

Janine Dantan

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