Christin Kehrli, Carlo Knöpfel, Manuel sur la pauvreté en Suisse,

Editions Caritas, Lucerne, 2007, 224 p., traduit de l’allemand

Jürg Meyer

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Christin Kehrli, Carlo Knöpfel, Manuel sur la pauvreté en Suisse, Editions Caritas, Lucerne, 2007, 224 p. Traduit de l’allemand,

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Jürg Meyer, « Christin Kehrli, Carlo Knöpfel, Manuel sur la pauvreté en Suisse,  », Revue Quart Monde [Online], 204 | 2007/4, Online since 01 April 2008, connection on 25 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9166

Cet ouvrage se prête tout autant à la recherche de références qu’à une lecture suivie. Il contient en effet une multitude d’informations sur les causes de la pauvreté, des définitions, des données statistiques, des réglementations juridiques, des pratiques administratives. Les commentaires et remarques, souvent critiques, sont également précieux.

Ces informations de qualité, qui se basent sur une longue expérience, sont primordiales. Elles peuvent contribuer à contrer les tendances accrues d’une réduction des prestations sociales. Elles offrent surtout une base de travail pour la stratégie contre la pauvreté préconisée par le gouvernement suisse. Un des points essentiels est la perception de la pauvreté comme facteur d’isolement social diminuant les chances dans tous les domaines de la vie.

Ce livre comporte cependant des failles. Par exemple, il est constaté que les divorcés (6 %) représentent un risque d’aide sociale doublé, comparé au reste de la population (3 %). La cote d’aides sociales des familles monoparentales atteint 13,4 %, celle des personnes vivant seules 5,7 %. Il est dit avec raison que le coût de la vie des enfants augmente les risques de pauvreté. C’est pourquoi un nombre disproportionné d’enfants grandissent dans la pauvreté.

Pourtant cet ouvrage n’approfondit pas assez la menace que représentent les conditions de la pauvreté pour les familles. Il est trop peu mentionné que la pauvreté entraîne des fardeaux physiques, psychiques, financiers qui, très souvent, conduisent à la dislocation des relations familiales. A mon avis, c’est là une des causes de la surreprésentation du nombre de personnes précarisées parmi les familles monoparentales et les personnes vivant seules.

Les thèmes douloureux de la protection de la jeunesse et du placement des enfants y sont à peine soulevés. Pourtant, les familles vivant dans la pauvreté sont touchées plus que les autres par ces mesures. C’est pourquoi il y manque des réflexions sur les possibilités de tenir compte des besoins réels de protection des enfants tout en minimisant les traumatismes. Quand la pauvreté menace la santé, l’équilibre psychique, la conscience de soi et la reconnaissance sociale, c’est un poids énorme sur les relations au sein de la famille. Cela peut déclencher de réelles insécurités. Parfois à la légère, la réaction passe par diverses mesures d’assistance et peut aller jusqu’au retrait de la garde des enfants.

Malgré ces failles, Caritas et les auteurs de ce manuel demeurent des alliés importants dans la lutte contre la pauvreté. Caritas n’octroie pas seulement des aides, mais suscite également des recherches sociales précieuses. C’est uniquement avec de larges alliances que la motion pour une stratégie nationale contre la pauvreté aboutira. La collaboration du plus grand nombre de bonnes volontés est d’autant plus essentielle qu’aujourd’hui les débats sur les abus enveniment le climat et blessent la dignité de toutes les personnes qui connaissent la pauvreté.

Jürg Meyer

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