Jean-Paul Fitoussi, Éloi Laurent, Joël Maurice, Ségrégation urbaine et intégration sociale, Conseil d’Analyse Economique

La Documentation française, 2004, 327 pages

Guillaume Charvon

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Jean-Paul Fitoussi, Éloi Laurent, Joël Maurice, Ségrégation urbaine et intégration sociale, Conseil d’Analyse Economique, La Documentation française, 2004, 327 pages

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Guillaume Charvon, « Jean-Paul Fitoussi, Éloi Laurent, Joël Maurice, Ségrégation urbaine et intégration sociale, Conseil d’Analyse Economique », Revue Quart Monde [En ligne], 195 | 2005/3, mis en ligne le 23 mai 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9253

Ce rapport présente une approche économique de la ségrégation urbaine. Le système ségrégatif qui divise nos villes pose en effet question aux économistes : en affectant la cohésion et la justice sociale, la ségrégation urbaine amoindrit l’efficacité d’ensemble du système économique. L’éloignement des populations des quartiers dits défavorisés de l’emploi ou des équipements collectifs crée une déperdition des forces productives – par le chômage – et un détournement de ces mêmes forces pour prendre en charge ce dysfonctionnement – la police, l’appareil juridique. La ségrégation urbaine nuit donc au bon fonctionnement de l’économie de notre société.

L’analyse expose ensuite les dynamiques à l’œuvre dans le processus de divergence urbaine en s’appuyant principalement sur une comparaison des caractéristiques des populations vivant en zone urbaine sensible (ZUS) et en dehors de celle-ci. Les auteurs démontrent par les faits combien les déséquilibres sociaux se sont inscrits durablement dans l’espace de nos villes. Cette polarisation socio-spatiale porte la trace d’une longue période de chômage persistant, certains quartiers connaissant un taux de chômage proche de 60 %. En outre, cette divergence persiste dans le temps au travers des difficultés d’éducation et de formation. Les auteurs considèrent qu’elle s’accentue alors même que les causes ont disparu. Les économistes construisent ainsi une explication du chômage fondée sur ce phénomène d’hystérésis : “ Le chômage de masse est comme un “ trou noir ” en expansion au cœur de notre système social : il engloutit, pour s’en nourrir, les logiques d’intégration. ” Il faudrait alors parvenir à la maîtrise de ce phénomène. Quelques propositions sont faites en ce sens.

Une série de recommandations générales suivent l’analyse. Elles visent à renforcer la cohésion urbaine et à lutter contre les discriminations. Elles reposent toutes sur la conviction que “ lorsque les conditions initiales d’accès au corps social sont trop dégradées, une égalité plus exigeante doit prendre le relais de la stricte égalité juridique. ” Néanmoins, le lecteur pourra regretter que ses efforts de lecture ne soient pas récompensés par une compréhension plus concrète de cette exigence de justice sociale. On comprend en effet assez mal le contenu de cette “ égalité plus exigeante ” et ses modalités puisque les auteurs refusent tout rapprochement avec le concept de discrimination positive. On pourrait aussi se demander quelles sont, au-delà du coût économique, les conséquences humaines de cette ségrégation sociale. Car peut-être est-ce à partir de visages précis que nous pourrons ensemble, et comme nous y invitent les auteurs, faire de l’unité de la Cité une véritable priorité nationale.

Guillaume Charvon

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