Claude Pair, L’école devant la grande pauvreté. Changer de regard sur le quart monde

Hachette, 1998, 221 pages.

Clémence Boyer

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Claude Pair, L’école devant la grande pauvreté. Changer de regard sur le quart monde, Hachette, 1998, 221 pages

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Clémence Boyer, « Claude Pair, L’école devant la grande pauvreté. Changer de regard sur le quart monde », Revue Quart Monde [En ligne], 167 | 1998/3, mis en ligne le 24 mai 2020, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9319

Recteur à Lille, professeur d’IUFM de Nancy-Metz, chargé d’une mission de rénovation par le ministère de l’Éducation nationale, l’auteur cerne d’abord les problèmes à partir de divers documents du rapport Wresinski du Conseil Économique et Social (1987), du colloque d’Arras (1992), de divers documents, de données du CREDOC et de témoignages.

Il propose plusieurs définitions de la grande pauvreté en commençant par noter qu’elle échappe par sa nature hors norme à toute homologation, par la complexité de ses composants : manque de ressources, de formation, de logement, de santé et l’insécurité.

Puis il traite plus longuement du « malentendu » entre enseignants et parents démunis. Les premiers se cantonnent souvent à la transmission des savoirs, sans se mêler des conditions familiales des enfants, ou en considérant celles-ci comme des handicaps hors de leur compétence, et reprochent parfois aux parents de ne pas s’intéresser au travail scolaire. Ces derniers comptent beaucoup sur l’école pour promouvoir l’avenir de leurs enfants et n’osent pas leur montrer la faiblesse de leurs niveaux d’instruction ni leurs difficultés financières de peur que leurs enfants ne soient placés : les enfants eux-mêmes se taisent ou s’absentent de crainte de se faire moquer par les autres élèves.

Or les familles qui avaient appris à prendre la parole, dans les Universités populaires d’ATD Quart Monde, savaient exprimer leurs soucis : manque de place à la maison, de calme, de soutien, de prévision budgétaire, ségrégation des enfants relégués dans les sections d’éducation spécialisée, en vertu soi-disant « d’un choix librement consenti dans l’intérêt de l’enfant. » Elles savent suggérer des solutions pertinentes, comme cette mère : « Nos enfants sont comme les autres enfants. Ils veulent rire, jouer, apprendre. Ils veulent aimer et être aimés. Ils ont besoin d’être aidés, mais ils doivent apprendre au milieu des autres enfants. Tous les élèves, quels que soient leurs niveaux, ont quelque chose à apporter, particulièrement nos enfants. Ils ont un grand cœur et ils peuvent partager leur joie de vivre, leur débrouillardise. »

Ainsi l’auteur développe longuement des méthodes de partenariat pour que l’école assure la réussite de tous les enfants. Au plan national, le partenariat a été fixé dans ses principes et ses stratégies par le rapport Joutard (1992), complété par un état des collèges et lycées en 1995/96, puis par une mobilisation autour du 17 octobre, Journée du refus de la misère. Au plan des académies, il se manifeste par des colloques (Arras en 1992 avec ATD Quart Monde) et stages de formation d’enseignants. Localement, il se traduit par de multiples initiatives : réunions, débats entre parents, approches individuelles d’enseignants auprès des parents, clubs de théâtre, lecture et rédaction de contes sur la misère par toute une classe, expositions.

L’auteur illustre la possibilité de partenariats fécondés par sa propre démarche ; il sait s’ouvrir aux apports et espoirs des plus pauvres. Il s’appuie sur leurs témoignages, les citant abondamment. Une étude très riche et claire, où les voix des démunis convainquent plus que les chiffres pourtant significatifs.

Clémence Boyer

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