Maria Deraismes, Les droits de l’enfant

Mario Mella Edition, 1999, 112 pages, Présentation de Annette Jacob(Conférence donnée à Paris en décembre 1876 - 1ére édition en 1887, avec un avant-propos et deux appendices : « Travail des enfants dans les fabriques et usines » et « La dépopulation »)

Daniel Fayard

Bibliographical reference

Maria Deraismes, Les droits de l’enfant, Mario Mella Edition, 1999, 112 pages, Présentation de Annette Jacob. (Conférence donnée à Paris en décembre 1876 - 1ére édition en 1887, avec un avant-propos et deux appendices : « Travail des enfants dans les fabriques et usines » et « La dépopulation »)

References

Electronic reference

Daniel Fayard, « Maria Deraismes, Les droits de l’enfant  », Revue Quart Monde [Online], 172 | 1999/4, Online since 26 May 2020, connection on 20 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9434

Etonnante Maria Deraismes (1828-1894), journaliste, conférencière, militante féministe républicaine et laïque, cofondatrice d’une obédience maçonnique « mixte » (la première du genre !) et internationale (« Le Droit humain »), elle mena un combat acharné pour la reconnaissance avant l’heure des droits de l’enfant :

- contre l’interdiction faite aux enfants naturels ou illégitimes de toute recherche de paternité ;

- contre le sort réservé aux enfants trouvés ou abandonnés, voués à une mort précoce ou mis « en location chez des cultivateurs ou des ouvriers qui les traitent la plupart du temps comme des bêtes de somme ;

- contre la « puissance paternelle » érigée en droit absolu sur les enfants légitimes mineurs, disposant d’un droit de correction insuffisamment contrôlé (emprisonnement, mauvais traitements), alors qu’elle devrait n’être que simple tutelle avec mission éducatrice ;

- contre l’exploitation au travail des enfants, victimes de la « rapacité industrielle » des patrons, avec la complicité forcée de leur famille pour cause de misère ;

- pour l’instruction obligatoire.

Dans sa présentation de 35 pages, la sociologue Annette Jacob nous permet de mieux situer les revendications de Maria Deraismes dans le contexte social qui fut le sien et, par des apports relatifs à l’époque contemporaine, montre que le combat pour les droits de l’enfant est toujours d’actualité.

Maria Deraismes appartient à ce courant de pensée minoritaire qui, au début de la IIIème République, chercha à renouer avec l’esprit de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de l’œuvre législative avortée de la Convention pour faire face à une conception excessive de l’autorité paternelle consacrée par le Code civil de 1804.

Elle dénonça avec compétence les pratiques sociales d’exploitation liées tant au développement de la vie industrielle qu’à la misère d’un grand nombre de familles : les différentes lois restreignant progressivement le travail des enfants eurent bien du mal à être appliquées, faute de moyens de contrôle suffisants.

Elle avait bien conscience que les pouvoirs en place ( ceux des législateurs, des administrations, des juges) ne viendraient à bout des résistances des milieux patronaux et des familles elles-mêmes que si les mentalités de la société civile intégraient le fait que celle-ci devait garantir des droits aux enfants, ne serait-ce que pour leur permettre de se développer et d’acquérir une meilleure maîtrise de leur destinée.

Elle mit beaucoup d’espoir dans l’instauration de l’obligation scolaire, qui interviendra avec la loi du 28 mai 1882.

On ne saurait trop recommander la lecture de ce document historique, très éclairant.

Sa réédition en cette année du 10ème anniversaire de la Convention des droits de l’enfant permet de mesurer le chemin parcouru en un siècle. Elle rappelle opportunément que ce combat a eu ses pionniers, qu’il faut du temps et une détermination constante pour parvenir à faire admettre juridiquement que ceux-là même qui n’ont pas les moyens de faire valoir leur dignité et leurs droits (ici, les enfants) n’en sont pas moins titulaires au même titre que n’importe quel être humain.

Daniel Fayard

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