Albert Cossery, Les hommes oubliés de Dieu

Ed. Joëlle Losfeld, Paris, coll. Arcanes, 2000, 112 p. Publié pour la première fois au Caire en 1927 (en arabe, anglais et français), édité aux Etats-Unis en 1940 grâce à Henry Miller, puis en France grâce à Albert Camus (réédité en 1994 et 2000, préface de Edmond Charlot

Daniel Fayard

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Albert Cossery, Les hommes oubliés de Dieu, Préface de Edmond Charlot, Ed. Joëlle Losfeld, Paris, coll. Arcanes, 2000, 112 p., Publié pour la première fois au Caire en 1927 (en arabe, anglais et français), édité aux Etats-Unis en 1940 grâce à Henry Miller, puis en France grâce à Albert Camus (réédité en 1994 et 2000)

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Daniel Fayard, « Albert Cossery, Les hommes oubliés de Dieu », Revue Quart Monde [En ligne], 175 | 2000/3, mis en ligne le 01 février 2001, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9456

Albert Cossery est un merveilleux conteur. Les cinq nouvelles qui composent ce qui a été son premier livre nous introduisent au coeur des quartiers très pauvres de la capitale égyptienne, aux noms pittoresques (la rue de la Femme enceinte, la ruelle Noire, le terrain aux Serpents, le sen tier de l’enfant qui pisse...), pour y découvrir tels ou tels de leurs habitants saisis à travers des faits de vie, banals ou insolites, où l’on voit chacun poursuivre qui, son labeur, qui, son rêve, qui, ses amours, qui, ses pensées... malgré un destin apparemment sans issue.

La misère est manifeste. Mais elle est comme transfigurée par le regard de l’auteur qui s’intéresse à ce qui agite l’esprit de ses personnages : le facteur Zoüba qui se venge à sa façon d’Hanafi le repasseur, suite à une lettre de Chantouh le boucher ; la jeune fille Faiza amoureuse de Mahmoud le fumeur de haschich ; le ferblantier Chaktour qui cherche à comprendre pourquoi Saadi le coiffeur ambulant a empoisonné sa femme ; le professeur de mendicité Abou Chawali qui se sent menacé par Tewwfik Gad le lettré, lequel professe que les petits mendiants ne doivent plus faire pitié mais se présenter avec fantaisie pour susciter l’aumône ; l’ancien acteur Sayed Karam qui découvre que sa maîtresse, Raya la caissière, est la « chair martyrisée du peuple » et que les affamés ne rêvent que de pain.

Le titre du livre fait écho à la réponse donnée par Chaktour à une question de son fils au cours d’un dialogue pathétique : « Pourquoi sommes-nous pauvres ? » Au fil des pages, le lecteur reçoit des perceptions de cette nature qui en disent long sur le poids d’humanité de ces personnages mis en scène par Albert Cossery. Nous connaissons peu cet auteur mais pour avoir écrit ce qu’il a écrit et de la manière dont il l’a écrit, il devait sinon leur ressembler du moins être habité par eux.

Rien d’étonnant à ce que des écrivains comme Henry Miller (1891-1980) ou Albert Camus (1913-1960) aient voulu le faire connaître.

Daniel Fayard

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