Annie Garnier-Muller, Les « inutiles », Survivre en banlieue et dans la rue

Ed. de l’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2000, 234 p.

Jean-Jacques Boureau

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Annie Garnier-Muller, Les « inutiles », Survivre en banlieue et dans la rue, Ed. de l’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2000, 234 p.

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Jean-Jacques Boureau, « Annie Garnier-Muller, Les « inutiles », Survivre en banlieue et dans la rue », Revue Quart Monde [En ligne], 175 | 2000/3, mis en ligne le 01 février 2001, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9458

« Un continent oublié, mais pourtant riche d’humanité... »

Un continent que l’auteur, sociologue, veut nous faire découvrir par ses habitants en nous livrant avec ses réflexions, leurs paroles. Ce continent, c’est celui de la banlieue des petites gens, c’est celui de ces grandes cités où se côtoient le meilleur et le pire, c’est aussi celui des SDF, monde de la débrouille et de mendicité. Des lieux de précarité où la pauvreté va du « peu » (smicard, cadre au chômage en fin de droits, chômeur non indemnisé, etc.) au « sans » (sans-abri soutenu par des associations caritatives, SDF, etc.)

Dans une première partie, l’auteur tente de répondre à la question : comment vit-on dans les couches populaires de ces cités de banlieue ? Elle nous décrit tout d’abord le « pôle du travail » avec les familles insérées dans le monde du travail, les familles en difficultés et les jeunes sans histoires. Un ensemble dans lequel perdurent les valeurs du travail et de l’effort et la nostalgie du passé avec ses liens sociaux régulateurs.

A côté, c’est le « pôle délinquant », familles mafieuses, jeunes perturbateurs, toxicomanes, un pôle où règne une économie centrée sur le commerce de la drogue, source de gros profits venant déstabiliser le pôle du travail. Des passerelles existent entre ces deux mondes qui coexistent dans la cité, entre familles, dans une même famille. Des solidarités multiples existent et ce qui apparaît c’est la lutte des petites gens pour survivre, pour rester dans le « dedans » et ne pas basculer dans le « dehors », c’est-à-dire dans la rue, dans l’état de SDF. La deuxième partie de l’ouvrage traitant de la vie des SDF tente de répondre aux questions : qui sont-ils ? Où vivent-ils ? Comment vivent-ils ? Quels sont leur mode de relations ? Là encore, beaucoup de paroles de ces sans-abri sont citées.

Dans sa conclusion, Annie Garnier-Muller montre que la notion de fracture sociale est un mythe simplificateur qui tend à masquer un phénomène de paupérisation qui touche l’ensemble des classes sociales. Pour elle, « la mise à l’écart que laisse supposer l’exclusion est continuelle-ment déconstruite par la volonté de vivre, de se débrouiller et d’exister de toutes ces populations..., la survie dans la précarité suppose l’invention ou la recomposition de liens sociaux. » Elle montre ainsi la complexité des manières de vivre, la richesse des comportements, loin des clichés simplificateurs des médias.

Un livre à lire pour comprendre ce qui se passe dans ces lieux où sont relégués les « inutiles » au fonctionnement économique de la société à l’heure de la mondialisation.

Jean-Jacques Boureau

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