Remise du deuxième prix Joseph Wresinski

Rédaction de la Revue Quart Monde

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Remise du deuxième prix Joseph Wresinski », Revue Quart Monde [En ligne], 145 | 1992/4, mis en ligne le 01 juin 1993, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9907

Le prix Wresinski honore tous les inconnus qui refusent radicalement la dégradation de leurs frères par la misère. Il a été remis le 17 octobre 1992 sur le parvis des Libertés et des Droits de l’homme à John Stephen Tenywa, ougandais, prêtre catholique.

Alwine de Vos van Steenwijk (présidente du Mouvement international ATD Quart Monde) :

Le père Joseph rêvait que nous puissions, régulièrement, faire sortir de l’ombre l’une ou l’autre personne qui avait accepté, seule et dans le silence, sans moyen, sans soutien de la communauté internationale, de se ranger aux côtés des plus pauvres, non pas pour leur faire quelque bien mais pour infléchir le cours de leur destin. Après le décès du père Joseph, le volontariat fondé par lui a voulu réaliser ce rêve.

Le premier prix Joseph Wresinski fut décerné ici, vous vous en souvenez, le 17 octobre 1988 à Aurelio Ugarte Ochoa, du Pérou. Depuis, le combat d’Aurelio Ugarte aux côtés des plus pauvres parmi les villages indiens de son pays n’est certes pas gagné mais il a pris sa juste place dans le grand combat des défenseurs des Droits de l’homme contre la misère aux quatre coins du monde.

C’est le professeur Ugarte qui va remettre le second prix Joseph Wresinski à un homme apparemment très éloigné de lui : d’une autre culture, d’un autre continent, mais qui, pour l’essentiel, lui est infiniment proche : John Stephen Tenywa, à qui je demande de nous faire l’honneur de nous rejoindre ici. (applaudissements)

Sir John Tenywa, le père Joseph disait ceci de vous après votre rencontre en 1987 : « Le père Tenywa par sa manière d’être, dans sa paroisse, dans son pays, est un refus vivant à l’exclusion des plus pauvres. Il ne mène pas à Walukuba, près de Jinja, l’un ou l’autre projet particulier seulement. Il organise le monde autour de lui, en bastion contre l’exclusion avec ce sens proprement africain où la justice épouse la tendresse. » Paroles du père Joseph qui expliquent votre présence, John Stephen Tenywa sur ce podium. (applaudissements).

Aurelio Ugarte : Père Tenywa, je vous remets le prix Joseph Wresinski.

Alwine de Vos van Steenwijk : Sir Tenywa, avec ce prix Joseph Wresinski nous vous confions l’espoir du père Joseph que vous puissiez être en terre africaine toujours plus cette lumière vers laquelle se tournent les regards et, pour toute la communauté internationale, un exemple que beaucoup voudront soutenir. (applaudissements)

John Stephen Tenywa : L’Afrique est aujourd’hui présente ici. Et plus que moi-même, je représente tout le continent pour dire merci au père Joseph et à tous les volontaires. Nous avons le sentiment que nous ne sommes pas seuls. Nous sommes heureux de joindre nos mains à celles de nos frères et sœurs du monde entier. Le fardeau sera moins lourd à porter. Merci beaucoup (applaudissements)

Le père John Stephen Tenywa, prix Joseph Wresinski (1992), s’adresse aux jeunes

Chers amis,

C’est un honneur pour moi de me tenir sur cette place historique parce qu’elle nous relie avec ceux qui, hier et aujourd’hui, ont pour commun héritage leur ténacité à vivre en hommes et en femmes dignes, à construire un avenir pour leurs enfants, à se rassembler en paix et en harmonie, ténacité pourtant constamment contrecarrée par la pauvreté et la souffrance qu’ils combattent.

Le monde a besoin de rendre hommage à ces personnes, de répondre à leur défi et de suivre leurs pas. Elles n’acceptent pas, et nous non plus, que l’extrême pauvreté les conduise à vivre dans des abris précaires et insalubres, que leurs enfants ne puissent pas aller à l’école, qu’ils doivent faire des travaux d’adulte ou porter sur de longues distances des seaux de l’eau sale qui seule leur est accessible. Ils veulent que leurs familles tiennent et ne soient pas disloquées par la pauvreté car ils savent que leurs enfants sont l’avenir du monde.

Dans un monde où, grâce aux moyens de communication modernes, les événements sont immédiatement relayés d’un continent à l’autre, nous connaissons cependant si peu leurs situations et leurs efforts pour bâtir l’espoir. Aujourd’hui, nous faisons l’histoire parce que ce sont leurs voix qui emplissent les ondes de la radio pour nous exhorter à un engagement de paix et de justice.

Je suis honoré de recevoir le prix Wresinski. Ce prix porte le nom d’un homme qui nous a légué, parmi tant d’autres choses, le Mouvement Quart Monde et la commémoration du 17 octobre. Le père Joseph Wresinski nous a fait voir et entendre les familles pauvres, non pas comme bénéficiaires de notre générosité ou comme problèmes à résoudre, mais en tant que partenaires dans la construction de nos communautés et de nos nations. De ce fait, l’histoire des pauvres ne sera plus jamais comme avant, l’appel à « faire quelque chose » sera l’appel au partenariat.

Je sais que, ressourcé par le fait d’être avec vous ici, je vais retourner dans mon pays, l’Ouganda, pour dire à nos amis des familles pauvres et à nos partenaires qu’ils ne sont pas seuls dans leur humble et quotidien combat. Je suis, par conséquent, profondément reconnaissant à chacun de ceux qui ont contribué en quelque mesure, ici et ailleurs, directement ou indirectement, à ma participation à la cérémonie d’aujourd’hui.

Suivant les mots du père Joseph, continuons à « aimer et prier, travailler et nous unir pour que naisse une terre solidaire. Une terre, notre terre, où tout homme aura laissé le meilleur de lui-même avant de mourir. »

Rédaction de la Revue Quart Monde

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