Le rôle de la société civile

Isabel Magaya

Traduction de Francisco Quiazua et Christine Jutras Tarakdjian

p. 17-20

Citer cet article

Référence papier

Isabel Magaya, « Le rôle de la société civile », Revue Quart Monde, 273 | 2025/1, 17-20.

Référence électronique

Isabel Magaya, « Le rôle de la société civile », Revue Quart Monde [En ligne], 273 | 2025/1, mis en ligne le 01 septembre 2025, consulté le 06 septembre 2025. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11609

Les organisations de la société civile (OSC) ont un rôle essentiel à jouer en Afrique pour combler les lacunes des États et des administrations, et faire pression pour l’enregistrement universel des naissances.

Texte traduit de l’anglais par Francisco Quiazua et Christine Jutras Tarakdjian

L’enregistrement universel des naissances est un droit d’entrée dans la réalisation des droits de l’enfant. Il garantit que les enfants puissent accéder aux services essentiels, tels que les soins de santé, l’éducation et la protection sociale. Cela les protège, entre autres, de l’exploitation, des abus et de l’apatridie. Cependant, dans de nombreux pays africains, des obstacles tels que la distance, les coûts, le manque de sensibilisation et la faiblesse des systèmes administratifs empêchent des millions d’enfants d’être enregistrés à la naissance.

Comment la société civile peut‑elle s’organiser au niveau régional pour soutenir les efforts en faveur de l’enregistrement universel des naissances ?

Tout d’abord, nous devons comprendre nos sphères d’influence en tant qu’OSC1 : Forum des OSC-EACRN2 ; CRNSA : l’Afrique centrale et de l’Ouest n’est pas si forte ; l’Afrique du Nord est également absente.

– Demander le statut d’observateur auprès des organisations de surveillance des traités de l’Union africaine (UA) titulaires de mandats spéciaux, par exemple les rapporteurs spéciaux et Rapporteurs nationaux.

– Participer aux événements de l’UA : les OSC peuvent encourager les titulaires de mandats spéciaux à donner la priorité à l’enregistrement des naissances dans leurs relations avec les institutions de l’UA et les États membres. Cela comprend la prise de parole lors de réunions de haut niveau de l’UA, de sommets et de forums tels que le Sommet de l’UA ou les sessions du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE).

– Engagement auprès des institutions nationales des droits de l’homme (INDH) : les INDH, organismes indépendants qui surveillent le respect des obligations en matière de droits humains de la part du gouvernement, sont des alliés essentiels. Les OSC peuvent collaborer avec les INDH pour garantir que l’enregistrement des naissances soit considéré comme un droit fondamental. Les efforts conjoints peuvent inclure la collecte de données sur les enfants non enregistrés et la responsabilisation des gouvernements en cas de non-respect des objectifs d’enregistrement universel.

En outre, les INDH peuvent amplifier la voix de la société civile dans les plateformes nationales et régionales, en soulignant les lacunes et en recommandant des changements de politique.

– Plaidoyer auprès des communautés économiques régionales (CER) et des organes de l’UA : au-delà des frontières nationales, les OSC doivent s’engager auprès des Communautés économiques régionales (CER) comme la CEDEAO3, la SADC, la CEEAC et la CAE en plaidant pour l’enregistrement des naissances dans le cadre de stratégies régionales plus larges d’éradication de la pauvreté et de développement humain.

Ces plateformes régionales offrent la possibilité d’établir une coordination transfrontalière, de partager des meilleures pratiques et de relever des défis tels que la migration et le statut de réfugié, où de nombreux enfants ne sont pas enregistrés.

– Engagement dans les mécanismes régionaux des droits humains : les OSC peuvent travailler avec les organismes compétents de l’Union africaine, en particulier le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE) et le Département des affaires sociales de la Commission de l’UA, pour aligner les initiatives d’enregistrement des naissances sur la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.

– Mettre en évidence l’enregistrement des naissances comme une question transversale : en particulier lorsqu’elles travail-lent avec la Commission (Commission africaine des droits de l’homme et des peuples) : les OSC peuvent faire pression pour que l’enregistrement des naissances soit reconnu comme un élément-clé dans divers mandats thématiques, tels que les droits des enfants, des femmes, des réfugiés et des migrants. Cette approche plus large garantit que l’enregistrement des naissances est lié à d’autres préoccupations en matière de droits humains, ce qui rend plus difficile pour les États membres de le négliger.

– Tirer parti de l’influence des titulaires de mandat de l’UA auprès des États membres : les titulaires de mandats spéciaux de l’UA, tels que le Rapporteur spécial sur les réfugiés, les demandeurs d’asile, les migrants et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays peuvent influencer les États membres par le biais de recommandations politiques. Les OSC peuvent travailler avec ces titulaires de mandat pour faire pression pour que l’enregistrement des naissances soit inclus dans leurs recommandations aux États membres de l’UA.

  • Contribuer aux rapports périodiques : de nombreux titulaires de mandat de l’UA, y compris le rapporteur spécial sur l’enregistrement des naissances, soumettent des rapports périodiques à la CADHP et à d’autres organismes. Les OSC peuvent collaborer et soumettre des recommandations, en veillant à ce que l’enregistrement des naissances soit mis en avant comme une question prioritaire.

  • Engager des dialogues avec les États membres : les OSC peuvent encourager les titulaires du mandat à soulever la question de l’enregistrement des naissances dans leurs dialogues avec les États membres lors de visites ou de consultations dans les pays. Cet engagement direct peut conduire à des engagements plus forts des gouvernements pour améliorer les systèmes d’enregistrement des naissances.

Quelles devraient être nos priorités politiques et d’action au niveau régional ?

Pour parvenir à l’enregistrement universel des naissances, les priorités politiques devraient être :

  • Renforcer les cadres juridiques : les OSC devraient plaider en faveur de réformes juridiques qui rendent l’enregistrement des naissances gratuit, obligatoire et accessible à tous, quel que soit le lieu de naissance de l’enfant ou le statut de ses parents. De nombreux pays ont encore des lois ou des pratiques obsolètes qui excluent les populations vulnérables. L’harmonisation de ces cadres juridiques dans toute la région garantira qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte.

  • Se préoccuper des femmes qui, dans certains pays, ne peuvent pas transmettre la citoyenneté à leurs enfants ; de la situation particulière des enfants nubiens au Kenya.

  • Lier l’enregistrement des naissances aux agendas plus larges de l’UA. Alignement sur les cadres de développement de l’UA : les OSC peuvent travailler avec les titulaires de mandat pour aligner le plaidoyer en faveur de l’enregistrement des naissances sur les cadres clés de l’UA, tels que l’Agenda 2063 et la Zone de libre–échange continentale africaine (ZLECA). Ces cadres se concentrent sur le développement inclusif, et l’enregistrement des naissances est essentiel pour garantir que personne ne soit laissé pour compte dans le parcours de développement de l’Afrique.

  • Encourager l’harmonisation des systèmes d’enregistrement des naissances dans toute la région, en tirant parti des technologies d’enregistrement mobile et numérique, et en veillant à ce que ces systèmes soient accessibles dans les communautés rurales et mal desservies.

  • Éliminer les obstacles pour les groupes marginalisés : les communautés vulnérables et marginalisées, notamment les enfants vivant dans des zones de conflit, des zones rurales ou des implantations informelles sont souvent confrontées aux plus grands obstacles à l’enregistrement. Les OSC devraient plaider en faveur de politiques et de programmes ciblés qui répondent aux besoins spécifiques de ces populations, en veillant à ce que l’enregistrement des naissances soit accessible à tous les enfants, quelle que soit leur situation.

Plaidoyer et suivi à long terme

En ce qui concerne les mécanismes de responsabilisation et de suivi, les OSC peuvent jouer un rôle essentiel pour demander des comptes aux gouvernements sur la mise en œuvre des engagements en matière d’enregistrement des naissances. Cela comprend le suivi des progrès, la présentation de rapports aux organismes régionaux des droits de l’homme et la garantie que les États respectent leurs obligations en vertu des traités internationaux et régionaux, tels que la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.

En conclusion, le rôle de la société civile est multiforme. Qu’il s’agisse d’influencer la législation nationale, de collaborer avec les INDH pour la responsabilisation ou de plaider au niveau régional auprès des CER et des organes de l’UA (y compris les titulaires de mandats spéciaux), les OSC jouent un rôle essentiel pour garantir qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte.

L’enregistrement universel des naissances n’est pas seulement une obligation légale ; c’est une voie vers la dignité et l’opportunité, une étape fondamentale vers l’éradication de la pauvreté et la construction de sociétés inclusives.

1 Le terme d’OSC inclut les organisations non gouvernementales (ONG), les fondations (publiques et privées), les associations professionnelles, les

2 Eastern Africa Child Rights Network : l’EACRN est un réseau d’organisations communautaires de base qui travaillent avec les enfants au Kenya, en

3 Respectivement Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, Communauté de développement d’Afrique australe, Communauté économique des

1 Le terme d’OSC inclut les organisations non gouvernementales (ONG), les fondations (publiques et privées), les associations professionnelles, les syndicats, ainsi que les coopératives et les acteurs économiques que leurs missions principales définissent comme des entreprises sociales.

2 Eastern Africa Child Rights Network : l’EACRN est un réseau d’organisations communautaires de base qui travaillent avec les enfants au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie. Il a été créé au début de l’année 2014.

3 Respectivement Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, Communauté de développement d’Afrique australe, Communauté économique des États de l’Afrique centrale et Communauté de l’Afrique de l’Est.

Isabel Magaya

Isabel Magaya est la représentante de l’African Child Policy Forum, (ACPF), organisation panafricaine indépendante qui promeut le changement politique pour faire progresser le bien-être des enfants en Afrique. Guidé par la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et par la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, son travail s’inspire des valeurs et des perspectives africaines et des connaissances mondiales.

CC BY-NC-ND