Le groupe a retenu plusieurs points-clés qui ressortent des rédactions individuelles :
-
L’attrait de TZCLD1 vient de la nouvelle façon d’aborder l’accès au travail, qui va à l’inverse de tout ce qui se faisait jusqu’à présent.
-
Le fait que la première information ait été réalisée à proximité de leur domicile a beaucoup joué sur leur décision de venir s’informer.
-
Le collectif de personnes privées d’emploi a été déterminant dans leur engagement. Un groupe s’est constitué à partir des mêmes besoins, en développant les mêmes envies, sans jugements, en cassant l’isolement.
-
La volonté partagée de prolonger ce collectif dans la création d’emplois sur le territoire a permis de dépasser doutes et déceptions.
Historique du projet TZCLD en Val de Drôme
Le projet TZCLD initial du Val de Drôme, démarré en 2018, concernait le territoire intégral de la communauté de communes, soit 30 000 habitants répartis dans 29 communes, la plupart rurales. La première loi d’expérimentation TZCLD limitait la taille des territoires à 10 000 habitants, mais cette restriction devait être reconsidérée lors de la deuxième loi afin d’élargir le champ de l’expérimentation. Or cette limitation a été reconduite, mettant à mal le projet en Val de Drôme dans lequel 30 personnes privées d’emploi issues de tout le territoire s’étaient engagées.
En conséquence le CLE2 a suggéré de réduire le territoire cible ou de faire deux candidatures. Les élus communautaires ont décidé de concentrer le projet dans la seule commune de Livron3 pour la phase d’expérimentation, tout en réaffirmant leur volonté d’étendre la démarche à tout le territoire lors de la pérennisation de la loi.
Cette décision a été un choc pour le Collectif de personnes privées d’emploi, parmi lesquelles 5 seulement résidaient à Livron, même si les élus souhaitent d’ores et déjà que soit menée une réflexion pour créer rapidement des emplois dans les 28 autres communes, et pour trouver des solutions pour toutes les personnes déjà investies dans le projet.
Aucune des personnes ayant rédigé ce chapitre n’habite Livron.
1 - Comment chacun est-il arrivé dans le projet TZCLD ?
Pa. : La première chose qui m’a attirée dans ce projet est l’inversement de logique proposé à la recherche d’un emploi. En y ajoutant la dynamique collective et la liberté de créer son poste, ça m’a séduite dès le départ pour mener mon projet. Nous ne sommes pas jugés sur notre histoire, notre parcours, nos diplômes, notre origine, nous sommes tous riches de nos qualités et de ce que nous pouvons apporter au projet et c’est un message très fort pour moi dans le milieu du travail où les situations d’exclusions ne sont pas rares.
A. : Un jour un mail est arrivé sur ma boîte de réception avec l’entête de Pôle Emploi et le nom « Territoires Zéro Chômeur Longue Durée » m’a accroché. C’était une simple proposition de présentation du programme dans mon village.
Par curiosité je suis allée voir de quoi il s’agissait, le principe que j’ai retenu était que chaque territoire présentait des besoins, des carences en termes de services et que, parallèlement des personnes privées d’emploi résidant dans ces territoires auraient pu rendre les services en question. C’était un raisonnement simple, clair et ça m’a plu, alors j’ai continué.
Pi. : Je me suis rendu à une réunion d’information. Dès que j’ai eu connaissance des idées à la base du projet, ça m’a intéressé.
J. : Suite à la réception de deux mails de Pôle emploi, peu clairs mais intrigants, j’ai fini par me rendre à une réunion d’information de proximité qui a suscité mon intérêt pour cette autre façon d’envisager l’accès au travail. J’ai eu envie de rencontrer l’équipe et j’ai découvert un groupe de personnes qui semblaient motivées pour faire bouger les choses, pour elles et pour l’ensemble. Il était évident que j’allais revenir et m’investir.
2 - Comment chacun a-t-il évolué ?
Pa. : J’ai commencé avec beaucoup d’enthousiasme et de projections. Aujourd’hui, je viens avec moins de joie depuis la dernière décision qui nous a éloignés des petits villages de campagne, et la dynamique du groupe difficile en ces périodes de « pseudo-liberté » liée aux confinements, aux restrictions sanitaires mettant une forme d’insécurité.
Il m’a fallu découvrir un nouveau monde, un nouveau groupe, comprendre ce qui anime ses membres, m’intégrer, et partager chacun notre vision du travail.
A. : Peu à peu, j’ai réalisé que ce projet pouvait vraiment me plaire. Il y avait des aspects pratiques alléchants avec certes un CDI à la clef avec un temps de travail choisi, mais surtout j’ai fini par comprendre la liberté de choix dont nous disposions. En effet aucune activité n’était a priori impossible, du moment qu’elle n’entrait pas en concurrence avec une activité déjà existante. À partir de là, l’imagination devenait la seule limite. C’était franchement enthousiasmant.
Pi. : Dès le départ, j’ai voulu m’investir à fond, convaincu par le projet, par l’alternance qu’il amenait en termes de vision du travail, et par les possibilités énormes qu’il offrait aux chômeurs comme aux habitants du territoire.
Je me suis rapidement retrouvé à présenter TZCLD à des PPDE4, ce qui me semblait complètement logique et souhaitable.
J. : Je ne dirais pas que ce projet m’a fait évoluer. Par contre, il m’a permis de me retrouver ; de reprendre confiance en moi ; de sortir d’une forme d’isolement en rencontrant des gens motivés, créatifs.
Il m’a offert la possibilité d’être à nouveau utile à différents niveaux ; de pouvoir exercer des compétences que j’avais mises de côté depuis un moment et ce, au service d’une équipe.
3 - Quelle part a eu la dynamique collective dans votre choix de rejoindre le projet, dans votre évolution ?
Pa. : L’importance qu’a pour moi l’organisation collective et le vivre-ensemble dans ce projet équivaut à 75 %. Je suis aussi animée par le projet de dispensaire de soins naturels et permettre aux plus démunis de recevoir des soins et des conseils qui sont très coûteux et si peu remboursés. Mais la base c’est de réfléchir et réaliser les projets ensemble, d’utiliser l’intelligence collective et de construire un projet qui rassemble, qui crée avant tout du lien. Je me sens plus dans l’individualité que dans la collectivité à l’heure actuelle. Cela est dû à mon propre mouvement de protection face à ce climat d’incertitude, et d’autre part au contexte sanitaire qui a empêché certaines rencontres, qui met de la distance entre nous (port du masque, respect de la distanciation,…).
A. : Le fait d’appartenir à un groupe était séduisant par la possibilité de rencontrer des gens avec lesquels partager ses idées et de découvrir des domaines que je ne connaissais pas bien. J’avais envie de participer à des programmes culturels et je n’avais jamais eu (ou pris) le temps de le faire. C’était un monde nouveau et il y avait des gens qui savaient et pouvaient m’apprendre.
Pi. : L’intérêt d’un projet comme TZCLD, c’est de pouvoir intégrer un collectif, c’est rassurant de rencontrer des gens dans la même situation que soi.
Ce collectif nous motive pour ne pas laisser tomber le projet. Il permet aussi de nous sortir de la solitude habituelle du chercheur d’emploi. C’est un peu comme avoir déjà un travail, avec des jours de réunion, du travail de préparation, un endroit extérieur à chez soi où se rendre.
J’ai noté notre attachement à la salle où nous nous réunissons habituellement.
Dans et autour de ce collectif gravitent d’autres personnes : les chargés de missions, quelques bénévoles et élus. L’échange nourrit les uns comme les autres, car les discussions sont simples, calmes et sans ambages.
Tous ces échanges sont un apport indéniable pour mon équilibre personnel, et monter des projets ensemble revalorise l’image que je peux avoir de moi‑même.
Malgré tout, le collectif reste relativement constitué de personnes privées durablement d’emploi, et seule la concrétisation réelle du projet TZCLD Val de Drôme pourrait mener à l’élargissement de cet élan de territoire à tous, habitants, élus, acteurs locaux de l’emploi et futurs ex‑chômeurs.
4 - Quelles perspectives individuelles et collectives dans le projet ?
Pa. : J’ai toujours été salariée et pouvoir me poser, en groupe, pour mener une dynamique de création d’entreprise est pour moi extraordinaire. Je sens que l’attente de l’éligibilité du projet risque de me faire traverser plein de phases. Pour moi-même, n’habitant pas sur le territoire final choisi, la fin de mes droits chômage qui approche et la nécessité de trouver un emploi qui risque de me faire perdre ma place.
Le cadeau qu’a été pour moi le projet TZCLD et la crise sanitaire est de lâcher prise sur un avenir que de toute manière je ne maitrise pas, tout en nourrissant ce qui me fait joie dans le présent.
Les perspectives collectives, je les espère riches de partages, d’enseignements, de rencontres et de découvertes dans une organisation la plus linéaire possible, où chacun puisse participer à la place de son choix. Je sais qu’il peut être difficile de vivre ensemble dans le travail, que cela demande une envie, des compétences de gestion des conflits. Un des enjeux majeurs pour moi est d’oser créer un univers où chacun a sa place et est accueilli tel qu’il est.
A. : Malheureusement les restrictions administratives qui se sont présentées ont pas mal modifié les choses. Il n’y a plus 29 communes, dont la plupart en milieu rural, mais une seule d’environ 10 000 habitants. Certaines activités pourront être maintenues mais, à ce jour, j’ignore si celles qui me plaisaient vraiment seront adaptées au nouveau cadre et adoptées par le groupe. Pas mal de participants ont quitté le groupe, ils ne répondaient plus aux critères ou ils avaient perdu la foi. Bien sûr, il y a en permanence de nouveaux arrivants. Il y a quelques semaines, j’aurais parlé de manière dithyrambique des perspectives collectives mais j’ai l’impression que le groupe est à un tournant, en train de se restructurer et j’espère y avoir encore ma place.
Pi. : Même si le projet offre la possibilité de s’impliquer, nous ne sommes pas maîtres de son destin. On l’a appris à nos dépens ; certains choix réalisés au niveau national peuvent avoir un fort impact sur le projet, voire le mener à sa perte.
Mais on peut souligner cette force du collectif, qui sait trouver des pistes, élaborer des solutions, qui donne confiance.
À vrai dire, actuellement je n’arrive pas à imaginer d’autres perceptives, en termes de travail, que celles que m’offrent ce collectif et ce projet TZCLD.
J’ai parfois le désagréable sentiment de mettre tous mes œufs dans le même panier. Mais quand je regarde à quoi ressemblent les autres paniers, aux fonds usés à force d’avoir tenté d’y mettre mes perspectives d’avenir sans succès, je me dis que, même si le panier TZCLD en Val de Drôme n’est pas fini d’être tressé, il a déjà un potentiel généreux, et qu’il vaut vraiment le coup d’y passer du temps.
J. : Hormis l’envie de sortir d’une situation précaire en équipe, j’ai pour perspective principale de pouvoir évoluer, au sein de la future entreprise, au travers des échanges de compétences ; pouvoir former et être formé à différents niveaux.
Je suis également intéressé par les responsabilités.
Vers le droit à l’emploi pour tous en Val de Drôme
En conclusion, pour les rédacteurs de l’article :
Les chômeurs de longue durée, censés être socialement fragilisés sont bien plus forts qu’on ne pourrait le croire. Mais un espoir donné ne peut être repris sans faire des dégâts chez les volontaires qui se sont investis dans un projet TZCLD. Il en va de la crédibilité du projet, aussi bien au niveau du territoire qu’au niveau national.
Réduire la taille du territoire, et donc le nombre de personnes concernées, s’est avéré le temps d’un moment contre-productif, démotivant, et ressenti comme un abandon des petits villages ruraux de montagne pendant la phase d’expérimentation.
Heureusement, les volontaires de la CCVD5 sont pleins de ressources et savent rebondir. Nous espérons qu’une loi pérenne, d’ici cinq ans, permettra de renouer avec l’ensemble de notre territoire, et que toutes les personnes déjà engagées dans le projet pourront être intégrées dès la phase d’expérimentation.
Nous avons la volonté d’être inclusifs, de maintenir notre capacité à intégrer tout le monde dans le collectif, puis dans les EBE. Pour cela, il faut absolument créer une alliance avec les associations présentes à Livron pour aller au devant des plus pauvres. Nous devons apprendre à écouter et à comprendre les plus éloignés de l’emploi pour qu’ils nourrissent notre projet et deviennent les garants du droit à l’emploi pour tous en Val de Drôme.