Dans le Nord rural de l’Inde (Lucknow), Santosh, jeune veuve, se retrouve sans ressources2. Selon la loi dite du « recrutement compassionnel » dans la fonction publique, elle hérite du poste de policier de son mari, mort en service commandé.
En revêtant l’uniforme, elle quitte son statut de veuve, mal considéré en Inde, et devient une représentante de l’autorité. Pour autant la condition de femme policière reste très difficile dans un pays patriarcal.
Dans sa découverte du métier et d’un milieu opaque, elle peut compter sur sa cheffe Sharma. Une femme de poigne, assez énigmatique, isolée à son poste gagné de haute lutte, rescapée des humiliations de ses collègues masculins, de sensibilité féministe, experte dans les dédales de sa profession, lucide aussi. Sans tout lui révéler, elle transmet son expérience de terrain à Santosh, mue par des idéaux de justice sociale. Ainsi nous découvrons les choses à travers les yeux neufs de l’héroïne. Santosh va devoir muscler son corps autant que son mental. Elle court, apprend à gérer le stress, les peurs. L’actrice y déploie tout son art, dans la nuance.
Le récit se tend quand le corps d’une jeune fille est retrouvé au fond d’un puits, dans un village. L’enquête de la presque débutante sur ce féminicide va la mener à la famille de la victime, paysans pauvres d’une communauté musulmane (acteurs non professionnels) dont la parole est méprisée (d’emblée ils soupçonnent à demi-mot les Hautes Castes), et va la confronter à l’impunité absolue des propriétaires agricoles, à leur mépris de la personne humaine (protagonistes presque caricaturaux). Sharma, contrainte plus tard à la démission, l’a mise en garde :
« Il y a deux sortes d’Intouchables : ceux que personne ne veut toucher, au bas de l’échelle sociale et ceux que personne ne doit toucher, les puissants. »
Sharma est ambivalente, ambiguë, c’est toute la richesse du rôle. Elle a su composer avec sa conscience pour sauver sa peau et gagner du galon. La mentore a voulu que sa protégée réussisse mieux qu’elle en tant que femme policière. Mais Santosh déchire un dernier voile, la violence, les bavures impunies, la corruption dans la police. Sommée de pratiquer la torture dans un interrogatoire, elle prendra elle-même une décision radicale.
Une fascinante plongée dans l’Inde contemporaine, non une critique plaquée mais une immersion quasi documentaire, lente, nourrie par un duo d’actrices, chacune au plus près des finesses de son personnage, évoluant dans des décors naturels, au milieu de personnages secondaires authentiques.