Au matin du 8 mars, les lecteurs d’un quotidien de la région parisienne auront lu cette information. Un incendie a causé la mort d’une femme âgée de 40 ans. Dans une des trois caravanes stationnées, la victime faisait cuire des crêpes lorsque ses vêtements se sont enflammés . Quand son mari est arrivé quelques secondes plus tard , elle était déjà brûlée au troisième degré. Elle a succombé à ses blessures peu de temps après.
Pour les militants ATD Quart Monde, dont je suis, qui connaissaient cette femme, cette mort tragique n’est pas due au hasard. Une fois de plus, l’accident cache une longue histoire de souffrance.
A chaque nouveau projet, cette femme redressait la tête. Mais chaque fois, face aux obstacles infranchissables, le désespoir le reprenait plus fort et la souffrance s'accumulait, en dépit des tranquillisants prescrits. Ses proches ont tout essayé pour l’aider à ne pas perdre courage. Mais pouvaient-ils réussir seuls ? « Nous , on ne nous aide pas » confiaient-ils . Ils vivaient là , comme abandonnés, sur ce terrain… ont-ils jamais trouvé dans les divers bureaux administratifs et ailleurs quelqu’un qui comprenne leur résistance à la misère et leur apporte le soutien auquel ils avaient droit ?
Quinze jours avant l’incendie, ils avaient eu la visite de deux travailleurs sociaux. Quelques jours plus tard, ils avaient reçu une lettre qui les informait des suites de cette visite : ils seront convoqués par le juge des enfants. Simple notification administrative. Mais eux, ils ont appris qu’on allait prendre leurs enfants. Cela, ils le refusent au point que bouleversés ,ils ont songé à s’enfuir . Un matin, cette femme pourtant à bout de forces puise encore en elle assez d’énergie pour préparer des crêpes.
Que dans cette famille, comme dans tant d’autres, parents et enfants se comprennent , se soutiennent envers et contre tout, se donnent courage, leur deuil le révèle de manière bouleversante. Leur intimité doit être respectée. Mais comment traire l’affection qui les unit et leur détermination à recommencer à vivre et à espérer ensemble ? Comment taire la souffrance cachée derrière quelques lignes de journaux, quand elle est alourdie encore par l’indifférence ou le rejet que nous éprouvons vis-à-vis des plus faibles ?