Dans le collège où j'enseigne, je ne pose plus aux enfants la question autrefois rituelle en début d'année : quel est le métier de ton père ? de ta mère ? Les écoliers ont dix professeurs et il me semble inutile de les blesser en leur faisant écrire dix fois sur une copie « mon papa est au chômage ». Il suffit d'aller consulter les dossiers des élèves.
Quand on parle de rythme scolaire, on oublie souvent une réalité qui me trouble beaucoup : dans nombre de familles, et dans presque toutes les familles en grande pauvreté, les enfants sont parfois les seuls à travailler. Seuls à se lever, souvent très tôt, seuls à vivre hors de la famille, seuls à rentrer le soir. Comment un enfant peut-il avoir le courage de travailler quand il n'y a pas de dynamique familiale, quand l'effort n'est pas partagé par un papa rentrant fatigué le soir et par l'enfant qui a encore des devoirs à faire ? Comment un enfant peut-il ouvrir son esprit en étant le seul à pouvoir raconter les événements quotidiens survenus hors de la famille ? en étant parfois même le seul à rencontrer chaque jour des personnes extérieures et à parler avec elles ?