« La lettre à son maire »

Mireille Dassé

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Mireille Dassé, « « La lettre à son maire » », Revue Quart Monde [En ligne], 226 | 2013/2, mis en ligne le 05 novembre 2013, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5603

En France, un exemple d'engagement citoyen pour plus de mixité sociale dans les villes et quartiers.

Index de mots-clés

Engagement, Citoyenneté, Habitat, Logement

Les comités « Solidaires pour les droits » (CSD) sont nés de la volonté du Mouvement ATD Quart Monde, d'Amnesty International France et du Secours catholique de s'unir pour garantir à chacun un accès effectif aux droits. Leurs actions interpellent chaque citoyen sur le caractère fondamental du respect des droits pour le bon fonctionnement de la société, elles sont relayées par la diffusion - papier ou internet - d'une Chronique trimestrielle. Les trois associations parties prenantes ont en commun l'approche de la pauvreté en termes de violation des droits humains et la volonté de créer les conditions pour que les plus démunis participent à la réappropriation de leurs droits déniés.

Un des droits fondamentaux le plus visiblement bafoué en France est le droit au logement. La loi DALO (droit au logement opposable) du 5 mars 2007, qui comporte de plus diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, n'est que partiellement appliquée et dans certaines régions (Île-de-France particulièrement) les demandes de logements « décents », reconnues pourtant prioritaires, ne sont pas satisfaites et s'accumulent. La loi SRU (Solidarité Renouvellement Urbain) de 2000 est irrégulièrement respectée par les communes qui préfèrent s'acquitter d'une amende peu dissuasive plutôt que de construire la part de logement social qui conviendrait.

Devant ce constat de non-effectivité d'un droit existentiel, le réseau des CSD a lancé une campagne proposant à chacun d’écrire à son maire : « Oui au logement social ! Mme, Mr le maire, je vous soutiens »1. L'intention de cette lettre au maire est de réaffirmer, auprès de cet élu, la volonté de mixité sociale d'un de ses administrés. Trop souvent les médias se font l'écho d'associations diverses, de collectifs locaux, opposés à la construction d'habitat social dans leur environnement. Dévalorisation du patrimoine, détérioration de la perception locale, crainte d'une violence fantasmée, sont entre autres les raisons avancées pour constituer des pouvoirs de blocage de projets sociaux. Contrairement à ces expressions de refus, cette lettre est une démarche positive qui prodigue accompagnement et encouragement à l'action. Elle se veut également l'expression d'une mobilisation solidaire face au fatalisme et à la résignation des discours sur la situation des plus défavorisés. C'est une adresse individuelle simple d'un citoyen à son élu - que chacun peut envoyer - mais qui exprime une volonté collective afin de remédier à une injustice qui perdure : le droit pour tous de vivre quelque part en sécurité, en paix et dans la dignité.

Un bilan chiffré de cette action est difficile à faire, le nombre de lettres distribuées ne correspond pas au nombre de copies reçues, mais l'intérêt suscité par sa démarche a pu se vérifier au cours des participations communes à des évènements. Des réponses signifiantes de maires permettent de constater que cette initiative citoyenne a été plutôt bien perçue. La consultation du site dédié au CSD2 permet de lire des extraits de ces réponses et certaines manifestent une bonne volonté … qu'il faudrait bien solliciter.

« La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » lit-on dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme. C'est à chaque membre de cette famille humaine, à chaque citoyen, à chaque responsable, à chaque détenteur de droits, qu'il appartient d'exprimer sa volonté du mieux vivre ensemble. Un droit qui n'est pas celui de tous devient un privilège et il en va ainsi de la construction d'un monde plus juste et plus équitable.

Modèle de lettre à votre Maire pour des logements sociaux

Merci d’envoyer une copie de votre courrier aux comités « Solidaires pour les droits »

soutenus par Amnesty International, ATD Quart Monde, Secours Catholique 33 rue Bergère 75009 Paris ou pourlesdroits@atd-quartmonde.org

Votre nom :

Date :

Votre adresse :

Monsieur (ou Madame) le Maire,

De plus en plus de nos concitoyens vivent dans la rue ou dans des conditions indignes, hébergés par d'autres, en squats, en hôtel… avec des conséquences désastreuses pour eux-mêmes et leur famille (emploi, accès à l'école, santé, réseau social…).

Cette situation m'indigne, et je vous écris aujourd'hui pour vous dire que je soutiendrai toute initiative de votre part qui augmentera dans notre commune le parc de logements accessibles aux personnes disposant de faibles revenus. D'autant plus que les budgets de l'État pour ces constructions existent et, chaque année, ne sont pas dépensés.

Je vous soutiendrai également dans vos efforts pour créer les aires d'accueil pour les gens du voyage.

Je souhaite habiter une commune où vivent ensemble des familles de tous milieux, et je me réjouirais d'accueillir des voisins enfin sortis d'une situation d'errance ou de logement précaire. Je considère qu'il est de ma responsabilité de citoyen d'éviter les risques de ghettos entre des populations qui ne se connaissent pas et se méfient les unes des autres.

Peut-être entendez-vous davantage les échos de personnes inquiètes de projets de logements sociaux à proximité de chez eux. C'est pourquoi je tenais à me manifester pour témoigner que des personnes, parmi vos administrés, se sentent solidaires des familles en grande difficulté.

Le logement est un droit fondamental inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et je soutiendrai toute initiative de votre part qui tendra à répondre aux exigences de la loi du Droit Au Logement Opposable (DALO) de 2007, qui fait obligation à l'État de satisfaire toute demande de logement reconnue prioritaire.

Je soutiendrai les initiatives que vous prendrez pour éviter que les terrains soient toujours plus chers, ce qui empêche leur acquisition pour construire des logements sociaux.

Je soutiendrai également vos efforts pour augmenter, par la construction ou l’utilisation de logements existants, le nombre de logements réellement accessibles aux ménages ayant les plus faibles revenus (logements de type PLAI3).

Restant à votre disposition, je vous remercie d'avance de considérer favorablement ma demande et je vous prie d'agréer, Monsieur (ou Madame) le Maire, mes sincères salutations.

SIGNATURE

P.S. : Ce courrier fait partie d’une campagne nationale et j’en envoie une copie au réseau « Solidaires pour les droits » (Amnesty International, Secours Catholique, ATD Quart Monde). Je leur ferai également part de votre réponse.

1 Voir le texte à la suite de cet article.
2 Sur http://www.atd-quartmonde.fr
3Les prêts PLAI, PLUS et PLS financent la construction de logement social en fonction du plafond de ressources des ménages à qui ils sont destinés.
1 Voir le texte à la suite de cet article.
2 Sur http://www.atd-quartmonde.fr
3Les prêts PLAI, PLUS et PLS financent la construction de logement social en fonction du plafond de ressources des ménages à qui ils sont destinés. Ainsi, pour une personne seule à Paris, les logements en Prêt Locatif Aidé d'Intégration (PLAI) s'adressent à des personnes dont le revenu annuel n'excède pas environ 12000 €, tandis que les plafonds des Prêt Locatif à Usage Social (PLUS) et Prêt Locatif Social (PLS) sont respectivement 22.334 et 29.034€ de revenu annuel.

Mireille Dassé

Mireille Dassé est membre de la Commission Acteurs économiques Pauvreté Droits Humains (APDH) d'Amnesty International France.

CC BY-NC-ND