Écrit dans les années 1946-1947, le texte achevé de ce roman n’a été découvert qu’en 2012, cent ans après la naissance de son auteur, décédé en 1967. Celui-ci a été un auteur-compositeur, très connu aux États-Unis, dont plus de trois mille chansons témoignent de son engagement auprès des plus défavorisés (migrants, ouvriers agricoles, syndicalistes en grève). Il a été admiré par John Steinbeck pour son combat contre toutes les formes d’oppression qui influença d’ailleurs Bob Dylan.
Ce roman est de la même veine, nourri de références autobiographiques comme l’expliquent Johnny Depp et Douglas Brinkley qui l’ont édité : « L’auteur a personnellement vécu les privations qu’il décrit. »
Il plante le décor de façon magistrale : la région des grandes plaines au nord du Texas dans les années 1930. Déjà affectée par la Grande Dépression, elle a subi une série d’énormes cyclones de vent et de poussière (le blizzard) qui ont dévasté la faune et la flore, détruit les récoltes, érodé la terre, ébranlé les cabanes en bois (de surcroît attaquées par les termites ou autres insectes) qui servaient d’abris aux métayers. Tous ont été plus ou moins ruinés, beaucoup ont migré vers la Californie, certains ont gardé l’espoir de pouvoir revivre sur place avec le projet d’acquérir enfin un lopin de terre où ils pourraient construire une véritable maison en pisé, capable de résister aux intempéries.
Une maison de terre, c’est le rêve de Tike Hamlin et Ella May, un jeune couple d’agriculteurs qui attend un enfant et qui voudrait pouvoir lui offrir de meilleures conditions de vie. Nous accompagnons ce rêve en observant leurs comportements domestiques au jour le jour et en écoutant les propos qu’ils échangent entre eux, puis avec Blanche, une infirmière venue les rejoindre pour aider à l’accouchement. Les dialogues, aux accents argotiques prononcés et aux onomatopées récurrentes, reflètent la manière très populaire d’exprimer ses sentiments, ses jugements, ses angoisses, ses révoltes, ses taquineries, ses fantasmes, ses tendresses comme ses rudesses. Du grand art littéraire, dont le mérite incombe aussi au traducteur.