Vous connaissez la Basse-Ville de Québec ? Mais si, vous connaissez. C’est la basse ville de partout. Des itinérants, des alcoolos, des dopés, des « psychiatrisés », des démunis, des prostituées, des chambreurs. Des pauvres.
Et un journaliste.
Robert Fleury, journaliste aux affaires urbaines au journal Le Soleil, habite le quartier Saint-Roch. La Basse-Ville.
Je ne le connais pas. Je le précise au cas où vous penseriez que je renvoie l’ascenseur à un « petit copain. » Donc, plutôt que publier ses chroniques chez un chic éditeur, Robert Fleury a écrit Basse-Ville, un essai-témoignage qui n’angoisse pas sur les lendemains de l’après-communisme, qui ne se demande pas s’il faut mourir pour Sarajevo, si la montée des nationalismes n’est pas un retour au tribalisme. C’est vous dire à quel point il n’avait aucune chance d’être édité chez Boréal, ou d’être reçu « Sous la couverture » de la mère machin.
Robert Fleury a tout simplement écrit un livre sur les gens de son quartier. Avec sobriété. Et ce qui est beaucoup plus rare : avec humanité. Il prend le parti des tout-nus-dans-la- rue sans chercher à nous faire brailler, sans tendre à l’objectivité non plus. Il se réclame d’une vertu oubliée : le civisme. Le civisme, c’est quand tu t’approches de ton sujet ; l’objectivité, c’est quand tu recules, des fois, que tu te salirais.
Je ne sais pas si Basse-Ville est un grand livre. Mais c’est un livre qui a du cœur. C’est un livre qui vaut cent de mes moins pires chroniques.
(Paru dans La Presse, Montréal, 14 septembre 1995, publié avec l’aimable autorisation de l’auteur et du journal.)