Noël Cannat, La force des peuples

Éd. L’Harmattan, Paris, 1993,226 pages

Jean-Jacques Boureau

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Noël Cannat, La force des peuples, Éd. L’Harmattan, Paris, 1993,226 pages

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Jean-Jacques Boureau, « Noël Cannat, La force des peuples », Revue Quart Monde [En ligne], 156 | 1995/4, mis en ligne le 20 mai 2020, consulté le 18 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9026

Abidjan, Le Caire, Bombay, Mexico, Los Angeles, New York... Des noms qui peuvent évoquer pour nous le tourisme, l’exotisme. Ce sont ceux des villes qui dépassent 10 millions d’habitants, à la croissance galopante, où vit avec des problèmes très difficiles une population qui va des plus pauvres aux plus riches.

Comment gérer la croissance urbaine ? Par les seuls calculs des experts ou par un dialogue ardent avec les exclus ?

L’auteur étudie en profondeur les problèmes et la structure des villes citées plus haut, de son point de vue de sociologue et d’expert des Nations unies et de la Banque mondiale. Il le fait par un discours fourmillant d’exemples, de descriptions détaillées et d’interviews. Pour les besoins de l’analyse, il décompose la population en catégories - « les propriétaires, les bureaucrates, les locataires, les déshérités... » - et en tire un schéma, « instrument prospectif purement qualitatif, reliant de façon assez cohérente un ensemble de phénomènes sociaux observés dans différents contextes culturels. »

Le livre nous conduit peu à peu à la thèse de l’auteur : le monde contemporain est conduit, par sa dynamique interne, à l’union des contraires. Il connaît un modèle de socialisation dominant résultant d’un choix philosophique et politique précis : celui de l’individu contre la communauté.

La civilisation occidentale, fondée sur le postulat de l’homme producteur et consommateur, entraîne la compétition sélective entre tous les hommes et finalement génère l’exclusion. Les exclus sont voués à un perpétuel rattrapage, alors que l’urgence de « s’éclater », pour les plus riches, et de survivre, pour les moins favorisés, conduit à la violence, à la criminalité, au déclin des codes éthiques. « La chose mécanique », l’objet artificiel attire et détruit l’homme dans son intériorité.

Ainsi deux contraires s’opposent : un monde où dominent les calculs, la rationalité, celui des experts et des organisateurs, et le monde des vivants de « l’espace » de la diversité et du sens. Cette opposition étant le moteur de l’histoire, il y a urgence à développer le monde de la diversité, ce à quoi s’emploient dans les villes bon nombre « d’ouvriers de la Terre » qui luttent contre l’exclusion. Ainsi s’éclaire le sous-titre de l’ouvrage, Olympiens et gens de rien à la conquête de la Ville-Monde.

Même s’il n’est pas d’un abord toujours facile, ce livre peut provoquer des réflexions pour l’action et s’adresse à tous ceux qui s’intéressent à l’exclusion en milieu urbain.

Jean-Jacques Boureau

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