Michel Messu, La pauvreté cachée, Une analyse bachelardienne du concept de pauvreté

Ed. Petite bibliothèque du CREDOC coll. Essai, 2003, 177 p., préface de Robert Rochefort

Daniel Fayard

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Michel Messu, La pauvreté cachée, Une analyse bachelardienne du concept de pauvreté, Préface de Robert Rochefort, Ed. Petite bibliothèque du CREDOC coll. Essai, 2003, 177 p.

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Daniel Fayard, « Michel Messu, La pauvreté cachée, Une analyse bachelardienne du concept de pauvreté », Revue Quart Monde [Online], 192 | 2004/4, Online since 01 April 2005, connection on 28 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9224

Michel Messu, professeur de sociologie à l’université de Nantes et directeur de recherche au CREDOC, s’interroge sur le concept de pauvreté, et sur son prolongement très médiatisé, celui d’exclusion. On les utilise couramment pour rendre compte de l’existence des pauvres, devenus des exclus. Cette approche orchestrée par ce qu’on appelle couramment la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale mobilise les esprits sur le sort que la société réserve à certaines personnes qui la composent au point d’induire à leur égard des comportements d’assistance et/ou des politiques compensatrices (la garantie de minima sociaux, par exemple) ainsi qu’une surenchère sur la valeur travail et l’obsédante nécessité de l’insertion ou de la réinsertion tant professionnelle que sociale.

Ne devrait-on pas s’interroger aussi et peut-être d’abord sur les fondements de la vie en société, sur la nature des liens sociaux, sur l’idéal normatif d’une cohésion sociale ? Cela induirait sans doute une approche quelque peu différente, plus proche d’une problématique des droits de l’homme, plus en phase avec la volonté affirmée de promouvoir l’exigence démocratique, - où chacun disposerait d’un droit de créance sur la société du seul fait qu’il en est membre de par son existence et non parce qu’il est pauvre ou pour toute autre raison. L’allocation universelle, souvent jugée irréaliste parce que irréalisable dans ses modalités pratiques, n’en constitue pas moins une féconde utopie dans la mesure où elle dessine une vision prospective de ce à quoi devrait tendre une communauté sans exclus. Dans cette perspective, le concept de pauvreté garde-t-il une utilité ?

Chemin faisant, l’auteur s’emploie à nouer ou dénouer sa réflexion avec celles de tels ou tels autres penseurs (Bachelard, Belorgey, Bourdieu, Castel, Durkheim, Foucault, Galbraith, Gorz, Labbens, Lenoir, Paugam, Simmel, Stoléru, de Swaan, Thomas, van Parijs, Weber, Wresinski).

Des questions d’épistémologie surgissent à propos de certaines options comme celle selon laquelle les analyses des chercheurs en sciences sociales n’auraient de sens, du moins dans le domaine de la connaissance des pauvres, « que réinterprétées à l’aune de la parole énoncée » de ces derniers. Autrement dit, un discours scientifique sur la pauvreté ne pourrait donc se concevoir hors le concours du « mouvement révélateur institutionnel de ladite parole » (c’est ATD Quart Monde qui est visé !) Inversement, il ne pourrait y avoir de connaissance reconnue des pauvres sans une caution scientifique de ce qu’est leur pauvreté. Ces débats, qui alimentent bien entendu des stratégies de représentation, accréditent l’idée que la pauvreté relève d’une construction sociale. Ils révèlent aussi une difficulté d’interprétation sociologique de la manière dont les membres d’une société perçoivent le jeu dialectique de leurs ressemblances et de leurs différences.

Un livre stimulant par ses réflexions, au-delà des difficultés de lecture qu’il peut représenter pour des lecteurs peu versés dans les approches sociologiques.

Daniel Fayard

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