192 | 2004/4Reconsidérer la pauvreté ?

« Ne serait-ce pas d’abord la misère qu’il convient d’éradiquer, et pour y parvenir, ne conviendrait-il pas de « réhabiliter » la pauvreté ? C’est ce que se proposait, il y a près de trente ans déjà, Albert Tévoédjrè, dans son livre La pauvreté, richesse des peuples. Et s’il avait raison ? Et si le développement, entendu comme le développement sans limites de la richesse, de l’exploitation des ressources de la planète était un mythe et conduisait à une impasse, faisant passer dans la misère ceux et celles qui hier vivaient dans une pauvreté digne, la misère chassant la pauvreté selon les termes employés par Majid Rahnema ? Sommes-nous alors entrés dans l’ère de l’après-développement dont parle Serge Latouche ? Devons-nous redécouvrir les vertus de la sobriété, de la frugalité, de la maîtrise de la consommation ?

Comment le faire sans reconsidérer, à la suite du père Joseph Wresinski, la pauvreté, non plus comme une tare, mais bien comme un tremplin, un moyen de résistance à la misère, qui, elle, est un enfer. Mais comment reconsidérer la pauvreté sans faire de même avec la richesse, comme nous y invite Patrick Viveret ? N’est-ce pas, au bout du compte, une révolution culturelle et spirituelle que nous devons accomplir pour arriver à penser autrement développement, pauvreté et misère ? Penser autrement, en apprenant des plus humiliés, en écoutant leur souffrance, en nous laissant atteindre ».