Appel lors de la rencontre Afrique-Europe, Porto Novo (Bénin) septembre 1989

Forum permanent sur l'extrême pauvreté dans le monde

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Forum permanent sur l'extrême pauvreté dans le monde, « Appel lors de la rencontre Afrique-Europe, Porto Novo (Bénin) septembre 1989 », Revue Quart Monde [En ligne], 132 | 1989/3, mis en ligne le 01 mars 1990, consulté le 19 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9880

Nous avons l'expérience que les plus pauvres sont capables de prendre leur destin en main pour peu qu'ils rencontrent des amis de confiance à leurs côtés. Nous sommes aussi témoins qu'ils ne représentent pas un obstacle au développement général de leur pays, de leur quartier ou de leur village. Au contraire leurs efforts quotidiens pour vivre nous enseignent sur ce que nous devons changer dans nos projets pour que le développement devienne plus dynamique grâce à leur participation. Voici maintenant quelques expériences que nous partageons avec tous nos amis du Forum à travers le monde.

Nous connaissons des mamans qui n'osent pas venir au dispensaire car elles sentent qu'on va leur reprocher la malnutrition de leur enfant. Et puis comment pourraient-elles suivre un traitement intensif ou une formation sur l'alimentation qui les couperait pendant trois semaines de leur famille qui habite loin. Qui s'occupera des enfants ? Qui ira chercher l'eau, du bois et fera à manger ? Et si la santé de l'enfant s'améliore, comment cultiver les légumes recommandés alors qu'on ne possède aucun terrain ?

Nous savons que c'est toute la situation de la famille que nous devons prendre en compte et non seulement tel ou tel problème. Nous cherchons à connaître les espoirs des gens et donc à avoir des relations qui vont bien au-delà de l'école, du dispensaire ou d'un projet particulier.

Nous passons souvent des journées entières à essayer de rétablir des relations entre jeunes coupés de leur famille et qui vivent à la rue mais aussi avec des familles à l'écart de toute participation à la communauté environnante. Cela demande de rappeler aux partenaires (voisins, chefs religieux, autorités) leur rôle envers les plus délaissés.

Nous savons aussi que pour bâtir des projets qui vont atteindre durablement les pauvres, il faut d'abord respecter profondément les démarches et les initiatives qui se font dans le pays, bien connaître le climat social et politique en vigueur et enfin, bâtir un consensus parmi les gens qui sont respectés et écoutés aux différents niveaux, déjà parmi les pauvres, mais aussi avec les ONG et les ministères concernés.

Certains organismes viennent nous dire qu'ils sont prêts à financer des projets, mais dans des domaines précis. Nous avons besoin de fonds, mais nous ne pouvons pas modifier nos actions ou changer de groupes cibles simplement parce que c'est là que se trouve l'argent. Souvent, ce dont nous avons le plus besoin, c'est du temps pour être avec les pauvres, chercher avec eux des solutions nouvelles. Peu d'organisations internationales acceptent de financer ce temps nécessaire pour construire des relations de confiance et durer avec des familles qui ont trop de problèmes pour participer d'emblée à un programme très organisé.

Dans nos projets d'alphabétisation, lorsque les familles voient notre acharnement et surtout comment nous vivons parfois avec très peu de moyens, elles commencent à croire à notre sincérité et à reprendre confiance dans leurs possibilités, surtout si nous accordons une grande place à leur propre savoir et à leur propre expérience de vie.

Bien souvent, ceux qui évaluent nos projets estiment que nous ne sommes pas assez efficaces. Mais font-ils l'effort de voir les changements qui s'opèrent chez ces personnes, comment elles se soutiennent mutuellement ; les répercussions sur le milieu et les projets communautaires que cela entraîne ? Au nom de quoi peuvent-ils interrompre brutalement un financement qui permettait d'être disponible à ceux qui ont tant besoin d'être encouragés pour apprendre ?

À travers le Forum permanent du Mouvement ATD Quart Monde, nous découvrons ce que d'autres font en Amérique Latine, en Asie, mais aussi en Europe, pour que les plus pauvres soient des partenaires dans le développement de leur pays. Et cela nous encourage beaucoup.

Car le manque de considération qui pèse sur les plus pauvres rejaillit souvent sur nous et nous avons vraiment besoin d'un soutien moral.

Nous attendons des organisations, des responsables, qu'ils nous rappellent que tous ces efforts valent la peine et conduisent quelque part.

Forum permanent sur l'extrême pauvreté dans le monde

Délégation du Forum permanent sur l'extrême pauvreté dans le monde , membres originaires de six pays africains : Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Kenya, Sierra Leone, Togo et Zaïre

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