Parmi les dominations, celles faites aux femmes occupent l’espace public pour le moment et suscitent de nombreuses actions et réflexions. Mais toutes les femmes en tireront-elles le même bénéfice ? Rien n’est moins sûr.
L’expérience d’ATD Quart Monde avec les mouvements féministes tend à montrer que les femmes vivant dans la grande pauvreté n’y sont pas assez prises en compte. Les souffrances et les résistances de ces femmes changent-elles la nature du combat féministe ? Au-delà du constat de la double peine des dominations dues à leur pauvreté et à leur genre, que peuvent-elles apporter de spécifique ? Peuvent-elles aider à relier les diverses formes de la « résistance » ?
Pour les femmes en grande pauvreté, l’enjeu n’est pas seulement celui du droit, de l’égalité, de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais c’est bien un enjeu d’existence. C’est le droit d’exister pleinement en tant que femme, que personne, en tant qu’être humain, qui est en jeu. Un féminisme « inclusif » devrait oser entendre ce que les femmes les plus pauvres disent. Chercher à éclaircir avec elles ce qui les aide dans le quotidien : la solidarité et l’échange entre femmes, les places en crèche pour leurs enfants, un bon accueil à l’école, l’accès des filles à un groupe non mixte où on ne les juge pas, et d’autres choses qu’elles ont inventées et qui ne sont pas encore sur la place publique.
Oser envisager également que l’injonction de parité, l'assignation des genres à des rôles spécifiques pénalisent non seulement les femmes mais tout autant les hommes de la misère.
Nous voudrions bâtir notre dossier sur cette question : Comment s’organisent-elles à la fois pour s’extraire de la violence qui peut peser sur elles dans des contextes intimes mais aussi pour lutter contre le regard social qui pèse sur elles et leurs compagnons ? Nous questionnerions ainsi un progrès réel qui risquerait de ne pas tenir compte des contraintes effectives auxquelles les femmes les plus pauvres s’affrontent au quotidien, ni de leurs aspirations légitimes.