Peindre et dépeindre

Martine Hosselet-Herbignat

p. 3

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Martine Hosselet-Herbignat, « Peindre et dépeindre », Revue Quart Monde, 266 | 2023/2, 3.

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Martine Hosselet-Herbignat, « Peindre et dépeindre », Revue Quart Monde [En ligne], 266 | 2023/2, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 25 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11029

Le monde actuel, sous beaucoup d’aspects, apparaît désorienté et désenchanté, d’autant plus profondément pour les personnes enfermées dans la grande pauvreté. Vers où, vers qui se tourner ?

L’histoire de l’art atteste d’une voie particulière qui, au fil des siècles, a maintenu ouverte l’expression, sous différentes formes, de la réalité et des luttes propres à chaque époque. On pense en particulier à l’apport des peintres ayant donné à voir et comprendre la vie et le courage des plus pauvres de nos sociétés. L’expression artistique apparaît comme une respiration à la recherche de sens, et « il n’y a aucune raison de penser que certains seraient capables d’entrer dans le monde des relations et de la créativité, alors que d’autres en seraient bannis »1.

Lors de visites d’expositions préparées avec soin, les personnes elles-mêmes aux prises avec la pauvreté accèdent au patrimoine artistique, (en principe) disponible pour tous. Elles s’émerveillent, interrogent, éprouvent les liens qui les rendent proches de celles et ceux, connus ou non, qui ont de tout temps exercé leur liberté d’expression. Aujourd’hui, elles aspirent à maîtriser à leur tour les outils nécessaires pour s’affirmer, se forger un esprit critique, se donner à connaître, apprendre à exprimer leur vision du monde personnelle et collective. Peindre et dépeindre, en toute singularité.

Les participants à l’Atelier créatif de Bruxelles2, les enfants de la bibliothèque de rue à Noisy-le-Grand et leurs familles3, les participants à l’Université populaire d’Ile de France4, les enfants des bidonvilles de Bangkok, ceux qui habitent au voisinage du grand Cairn de Barnenez en Bretagne5, tous et toutes en ont fait l’expérience, sous la forme d’une lente appropriation de la main et de l’esprit. Il ne s’agit pas d’une occupation anodine. « La lecture comme la peinture […] relèvent d’un élan de vie à l’intérieur des plus pauvres, comme une épée de survie qui sert à couper le silence qui emprisonne la parole, emprisonne le corps et la relation à soi et à l’autre », explique Nathalie Monguillon6.

… Dessiner, coudre, faire du théâtre, de la poésie, change les acteurs et actrices mais aussi leurs partenaires éloignés de la pauvreté : « Avec ces rencontres je me suis rendu compte que tous les schémas que j’avais en tête sur la question à la fois de la pauvreté, de la misère des gens, et de la réalité étaient basées sur du sable, des imageries », témoigne un metteur en scène.

« Pendant la nuit/On voit les étoiles et la lune/ Et le soleil prend leur place/ Et les saisons se déplacent » (Avneet). S’inscrire dans ce mouvement vital fait rimer art, espoir, et lutte contre toutes formes d’injustice, de relégation et de désespérance.

1 Joseph Wresinski, Libérer le quart monde ou réunir les antipodes dans un monde d’amour, Extrait d’une introduction faite à une table ronde avec des

2 Voir l’article collectif, p. 30.

3 Voir l’article d’Edgar Vercelloni, p. 35.

4 Voir l’article de Manon Potvin, p. 4.

5 Voir l’article de Jacqueline Page, p. 9.

6 Voir son article p. 20.

1 Joseph Wresinski, Libérer le quart monde ou réunir les antipodes dans un monde d’amour, Extrait d’une introduction faite à une table ronde avec des universitaires et étudiants belges, 22/11/1972.

2 Voir l’article collectif, p. 30.

3 Voir l’article d’Edgar Vercelloni, p. 35.

4 Voir l’article de Manon Potvin, p. 4.

5 Voir l’article de Jacqueline Page, p. 9.

6 Voir son article p. 20.

Martine Hosselet-Herbignat

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