Construire le volontariat de demain

Karol Lainez

p. 38-40

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Karol Lainez, « Construire le volontariat de demain », Revue Quart Monde, 269 | 2024/1, 38-40.

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Karol Lainez, « Construire le volontariat de demain », Revue Quart Monde [En ligne], 269 | 2024/1, mis en ligne le 01 mars 2024, consulté le 29 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11302

Aux jeunes attirés par le volontariat permanent, ATD Quart Monde propose des étapes de formation pendant deux ans avant de prendre un engagement à plus long terme. Les accompagner durant ces étapes est une responsabilité qui passionne l’auteure.

J’aime profondément ma mission actuelle, et je vais vous dire pourquoi.

Certes, c’est une responsabilité qui demande beaucoup de temps et d’énergie, mais en même temps qui nous permet de voir et comprendre le chemin parcouru par les jeunes, et éprouver une satisfaction incroyable dans ce suivi. La découverte du volontariat en France se vit intensément aujourd’hui. Depuis septembre 2020, une vingtaine de jeunes sont engagés dans cette découverte et s’impliquent de plus en plus dans le mouvement et la prise de responsabilité.

Accueil des jeunes les deux premières années

C’est un engagement, qui demande une disponibilité géographique et dans le temps, qui implique une vie simple, s’adresse aux gens entre 25/35 ans. Les deux premières années se passent en France. Nous ne recrutons pas pour des compétences professionnelles particulières.

Les volontaires sont aujourd’hui nombreux à être en couple avec des personnes non engagées dans le Mouvement, et sont originaires de 37 pays.

La première étape de cette découverte, qui couvre une période de deux ans, est importante pour que chaque personne clarifie sa recherche. Ce temps est aussi important pour nous, pour mieux comprendre et mieux accompagner la personne.

Après cette première étape les volontaires permanents prennent un engagement à long terme, sur place ou à l’étranger.

On peut voir comment ces jeunes progressent, comment ils estiment que c’est le moment de prendre plus de responsabilités, tout en restant attentifs à prendre le temps de découvrir le terrain sur lequel ils évoluent. Ces jeunes cherchent à être pleinement impliqués dans quelque chose qui leur tient à cœur :

« Cela a été déterminant de me dire que je me lançais dans un combat auquel je crois, dans le cadre d’un engagement très complet et enthousiasmant, et surtout de me sentir bien avec les autres membres, d’avoir l’impression de pouvoir dire ce que je pense, sans être prise de haut. » MC.

Cela nous donne beaucoup d’espoir pour cette nouvelle génération qui souhaite agir et se rapprocher davantage des personnes sur le terrain, sans craindre la proximité et la découverte de la pauvreté qui touche les gens.

« Je ne conçois pas mon engagement dans le volontariat permanent comme un travail. Encore moins comme un travail de bureau. Je cherche à vivre une vie d’engagement à temps plein.
L’essence de cet engagement est pour moi dans les liens que je tisse avec d’autres. Parmi les moments hors séjours qui m’ont marqué le plus pour le plaisir que j’y ai pris, il y a l’écriture des cartes de vœux pour la nouvelle année adressées aux familles venues en séjour l’année passée. C’est dans les liens que je tisse avec d’autres que je m’épanouis et que je trouve du sens. Ce sont ces liens qui me paraissent essentiels pour vivre et nourrir mon engagement. »
TP.

Nous sommes également très en lien avec l’équipe d’Europe afin que les jeunes qui commencent le volontariat rejoignent le groupe francophone, quand ils sont tout seuls à commencer la découverte du volontariat. Les temps de formation et de regroupement proposés à tous en Europe permettent à ces jeunes de ne pas vivre isolément leur découverte du volontariat. Chaque jeune doit trouver sa place, et il est essentiel que nous la trouvions ensemble, en prenant le temps nécessaire pour découvrir où chacun et chacune en est, afin qu’il et elle vive pleinement sa mission et sa découverte.

Si nous faisons tout ce que nous pouvons ensemble pour que les jeunes vivent bien leurs premières années de découverte du volontariat, et si nous communiquons entre nous, je suis convaincue que nous accomplirons un travail de qualité et assurerons la pérennité de ce volontariat d’ATD Quart Monde.

Accompagner les personnes en découverte du volontariat me donne l’occasion de rencontrer des jeunes cherchant à s’engager dans la société et dans leur vie personnelle. Ces jeunes n’ont pas peur de nous interpeller avec leurs doutes, leurs questions, leurs audaces :

« J’ai parfaitement intégré l’idée qu’il y a des ‘besoins’ dans le Mouvement et que les volontaires se doivent d’être présents là où il y a ces besoins, mais chacun se rattache à des sécurités différentes, et demander aux gens de se déposséder de leurs sécurités (les miennes sont affectives), c’est dur !
Ça ne me dérange pas de vivre avec peu de moyens. Si j’ai fait ce choix, c’est aussi parce qu’il me mettait en conformité avec un train de vie que j’estime suffisant. Par contre, je m’inquiète beaucoup pour ma retraite par exemple. Dans un contexte de précarisation générale, je me demande vraiment ce que ça va donner. Je me dis que les jeunes pensent à toutes ces choses-là et qu’ils ont besoin de ces sécurités, ce qui me paraît normal. »
HD.

Ils nous font réfléchir, nous poussent à sortir de nos habitudes. Les accueillir doit nous obliger à faire une halte, à prendre le temps de découvrir la personne qui arrive, à partager nos expériences mutuelles. C’est pour moi aujourd’hui le défi le plus grand auquel nous faisons face : prendre le temps d’accueillir et ne pas nous laisser mener par nos actions sans comprendre d’abord qui sont ceux qui nous rejoignent, ce qu’ils portent, afin de pouvoir mieux les accompagner et construire ensemble le volontariat et le Mouvement de demain.

« Je crois en ce volontariat »

Être avec eux me permet de comprendre que ces jeunes en découverte m’expriment leur vision du volontariat d’aujourd’hui, avec leur force d’engagement, leur joie d’avancer avec les familles, leur enthousiasme à faire partie de ce volontariat, mais aussi les difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans leur engagement. Cela me permet de confronter différentes façons de penser et de réagir, de nous interroger sur la manière de faire grandir notre volontariat en humanité et en égalité, afin de développer la confiance nécessaire pour aller vers l’autre lorsque nous en avons besoin.

Je crois en ce volontariat, et je suis heureuse d’en faire partie. J’espère que nous saurons inventer de nouvelles façons d’en parler pour que d’autres aient la chance de le découvrir et de le rejoindre.

Karol Lainez

Originaire du Honduras, Karol Lainez a découvert ATD Quart Monde dans son pays, comme alliée, à 15 ans. Sept ans plus tard, elle entame sa découverte du volontariat au Guatemala, où elle reste quatre ans. Arrivée en France en 2010, elle assure l’accueil au Centre international, à Méry-sur-Oise, où elle commence à apprendre le français. Après trois ans, elle déménage à Rennes pour créer une « dynamique jeunesse ». Depuis 2017, elle est de nouveau en région parisienne, d’abord chargée de l’animation et de l’accueil à la maison Quart Monde Paris, et actuellement ayant pour mission d’accueillir et de proposer des temps de formation aux nouveaux volontaires durant leurs deux premières années de découverte du volontariat.

CC BY-NC-ND