« Cela fait trois fois que je suis expulsée ! » nous dit Madame Lydia.
Quand je la rencontre, elle vit à Paco, un quartier de Manille aux Philippines, où sa famille et 144 autres sont installées en bordure du chemin de fer, sous le pont de l’autoroute. Elles vivent dans des abris en bois, en sachets, en tôles. Le chef de quartier les a accueillies en apportant un peu plus de confort, faisant construire des toilettes, et en invitant jeunes et adultes à participer aux comités communaux. La vie s’est organisée, beaucoup vivent de petits travaux, les enfants vont à l’école. ATD Quart Monde y mène une bibliothèque de rue, des activités manuelles lors des fêtes, y réunit un groupe de jeunes.
Certaines de ces familles étaient déjà de celles qui vivaient il y a dix ans sous le pont du canal et qui avait été évincées, envoyées dans des sites de relocation à 40 kilomètres de la capitale. Madame Lydia se rappelle : « Nous avons été déplacés sans réfléchir, sans tenir compte de la proximité des possibilités d’emploi, des hôpitaux et des écoles. Beaucoup sont revenus à la capitale pour le travail. » Elle se souvient aussi qu’avec l’équipe d’ATD Quart Monde présente sous le pont, elle a été encouragée à partager ses pensées, elle a participé à une recherche sur les conditions de la relocation ; cela a fait bouger les programmes de relocation en mieux.
Madame Lydia est restée engagée à ATD, elle est devenue facilitatrice, militante engagée dans sa communauté, tissant des liens d’entraide, organisant avec d’autres des actions. Cette fois, quand le bruit s’est répandu qu’ils allaient être à nouveau expulsés, les habitants de Paco ont pu s’organiser, dialoguer avec les autorités, réclamer des aides, s’assurer que les familles sans solution soient aidées davantage. Les déménagements vers les sites de relocation se sont passés sans heurts, avec dignité, des bus mis à disposition.
Peu de temps après les déménagements, certains habitants de Paco sont revenus sur Manille pour reprendre leur travail et gagner leur vie. Ils ont trouvé là où se réinstaller sommairement, mais vivent dans l’insécurité de se faire de nouveau chasser.
Chaque être humain est sujet de droits fondamentaux, reconnaît la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations unies. Ces droits interdépendants constituent un des socles sur lesquels notre humanité s’appuie pour instaurer plus de justice sociale et environnementale. Leur non-respect soulève une question politique et éthique grave, celle de la reconnaissance inconditionnelle du droit d’habiter la terre. N’est-il pas en fait le tout premier droit, le fondement de tous les autres ? N’est-il pas le droit d’être reconnu comme faisant partie de la communauté humaine et pouvant contribuer à son bien-être et à son développement ?