Le quartier de Kokoro Boeing, à Bangui en Centrafrique, se trouve le long de l’aéroport international, comme son nom le laisse deviner. Les inondations y sont fréquentes et à chaque fois que cela arrive, la communauté retombe un peu plus dans l’extrême pauvreté, les efforts étant anéantis. Les canaux sont envahis par la végétation, le nettoyage paraît titanesque. L’État fait de grands travaux d’assainissement à l’entrée du quartier où se trouve le marché mais qui n’atteignent pas cette partie où la misère est plus grande. À chaque pluie torrentielle, les habitants tremblent. En juillet 2022, des inondations plus imposantes que d’ordinaire ont tout envahi. Des maisons ont été détruites, l’eau a charrié les poubelles et, contaminée, elle a apporté les maladies.
Au milieu de ce chaos, Maman Esther s’est retrouvée sans rien, vivant sous une bâche avec ses enfants. La communauté occupée par l’urgence ne la voyait pas. Maman Esther se rappelle cette période où elle se sentait rejetée et jugée.
Après ces grosses inondations, les habitants se sont organisés en un groupe communautaire Ilondo maboko na maboko, qui signifie : levons-nous et travaillons main dans la main. Petit à petit, l’indignation s’est propagée : comment pouvait-on laisser M aman Esther et ses enfants dans ces conditions indignes ? Quelques-uns se sont mobilisés, rejoints par d’autres, pour un chantier de reconstruction. Un bout de terrain a été donné, des plans sérieux dessinés, il ne s’agissait pas de juste construire un abri sans lendemain. Les briques ont été fabriquées sur place. Papa Mathias montre fièrement le moule en bois qui a servi, et dit que c’est d’abord grâce à leurs compétences que cela a été rendu possible. ATD Quart Monde a soutenu en apportant ciment et tôles, et en mobilisant des jeunes animateurs d’autres quartiers, mais n’a pas précédé l’initiative. Nous continuons à mettre en œuvre des principes d’action inventés par Joseph Wresinski qui disait la nécessité du « refus systématique de précéder la population et de ne rien entamer sans que celle-ci ait compris et se soit donné les moyens humains pour rester totalement responsable de son projet. »
Aujourd’hui Maman Esther vit dans une vraie maison avec fondation et toit en tôles. Elle ne cesse de remercier, mais pourtant, c’est elle que nous devrions remercier, d’abord pour sa résistance et ensuite parce que grâce à elle, c’est toute la communauté qui s’est rassemblée pour lutter contre l’insupportable. Se mobiliser avec Maman Esther, rejoindre sa force et son courage, c’est reconnaître la dignité de toute la communauté et la retrouver ensemble. « C’est quand tu es debout que je suis debout ! »