César Augusto Acevedo. “Horizonte

Film, 2025

Marie-Hélène Dacos-Burgues

p. 45-46

Référence(s) :

César Augusto Acevedo, Horizonte, film, Colombie/Luxembourg, 2025, prix Camera d’or au Festival de Cannes, 2 h 05.

Citer cet article

Référence papier

Marie-Hélène Dacos-Burgues, « César Augusto Acevedo. “Horizonte », Revue Quart Monde, 275 | 2025/3, 45-46.

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « César Augusto Acevedo. “Horizonte », Revue Quart Monde [En ligne], 275 | 2025/3, mis en ligne le 01 septembre 2025, consulté le 01 septembre 2025. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11742

En 2015, la Colombie a fait un référendum pour savoir s’il fallait faire la paix avec les guérilleros des FARC. Le peuple répondit non. César Acevedo en a été révolté. Ses préoccupations, son désespoir, l’amenèrent à penser qu’il devrait réaliser un film qui pose la question de savoir comment vivre les uns avec les autres, comment « rester humains, face à des conditions inhumaines »1 ? Une question qui l’obsédait depuis longtemps.

Or cette question nous concerne directement tous et particulièrement ceux qui au sein d’ATD Quart Monde sont en interrogation. Ne tenaille-t-elle pas discrètement ceux qui côtoient les pauvres et ne se satisfont pas des réponses apportées à leur pauvreté ? Réponses trop légères quand il ne s’agit que des moyens matériels à allouer aux pauvres, ou trop inefficaces quand il ne s’agit que des idéologies à diffuser pour « atténuer » leurs souffrances ou tout simplement pour « expliquer » ce qu’ils ressentent ? Réponses évidemment trop partielles puisqu’elles n’arrivent jamais, pour le moment, à se conjuguer avec le réel afin de s’opposer durablement à la misère. Ici, dans ce film2, pour lutter contre « l’insensibilité à la violence » qu’il constate en lui et autour de lui, le réalisateur fait le pari risqué qu’il y a « quelque chose d’assez puissant pour s’opposer au cynisme et au désespoir. » Il nous dit que « le film porte sur l’acceptation et la reconnaissance des autres. » Il organise son film de manière à faire « exister le passé et le présent simultanément. »

Ainsi le film – très sombre – déploie l’histoire confuse d’un ancien guérillero mort, Basilio, et de sa mère également morte, Inès, partis ensemble à la recherche du père, mais aussi des victimes de Basilio, dans un espace irréel, très travaillé, très inquiétant et parfois très beau : cimetières, paysages désertiques ou villages vides et dévastés. Mère et fils ont du mal à communiquer. Acevedo, qui pense que « la seule façon d’arriver à connaître et comprendre l’autre est le dialogue » met en scènes ces incompréhensions et ce dialogue. Il le fait dans l’au-delà, après la vie, inventant entre ses personnages des échanges verbaux étranges. Il dit vouloir créer un « espace spirituel, une sorte de limbe » tout en étant très réaliste. Les brumes et brouillards sont bien sûr presque toujours présents, essentiels. Au-delà des images, le texte des dialogues est puissant mais on est troublé – quand on ne croit pas à son existence – par cette mise en scène d’un monde après la mort et surtout par ce souci constant d’une recherche de pardon et de rédemption. En particulier on regrette de ne pas savoir pourquoi le jeune homme a agi de telle ou telle manière, dans telle ou telle circonstance. A-t-il seulement des remords ?

Fatalisme choisi ou pas, on ne saura jamais non plus quelle attitude aurait été plus humaine dans la vraie vie. On ne saura pas davantage ce qu’il serait souhaitable de changer dans le vrai monde pour éviter la violence, ni pourquoi il a tué sa mère. On s’interroge sur la façon d’être mère de cette femme-là, presque passive. Malgré tout, ce film à la fois dur et très poétique, tout en spiritualité, quasi théologico-centré, délivre un message. Celui-ci est énigmatique : « La seule chose à laquelle on devrait aspirer c’est donner à ce monde tout ce qu’on pense qu’il exige de nous. Peut être seulement là pourra-t-on trouver chez les autres ce qui nous manque tant et qu’on ne peut accomplir tout seul. »3 Claudio Cataño, qui joue le rôle de Basilio, est saisissant dans la qualité des expressions tout comme Paulina Garcia qui joue celui de la mère. Le réalisateur prévoit un prochain film sur la joie, sous forme de comédie ; nous l’attendons !

1 Les termes entre guillemets sont extraits d’un interview du réalisateur (dossier de presse).

2 César Augusto Acevedo, Horizonte, film, Colombie/Luxembourg, 2025, prix Camera d’or au Festival de Cannes, 2 h 05.

3 Propos de Basilio à sa mère, à la fin du film.

1 Les termes entre guillemets sont extraits d’un interview du réalisateur (dossier de presse).

2 César Augusto Acevedo, Horizonte, film, Colombie/Luxembourg, 2025, prix Camera d’or au Festival de Cannes, 2 h 05.

3 Propos de Basilio à sa mère, à la fin du film.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

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