Raphaël Grisey et Bouba Touré. Les voix croisées / Xaraasi Xanne”

Film documentaire, 2024

Marie-Hélène Dacos-Burgues

p. 50

Bibliographical reference

Raphaël Grisey et Bouba Touré, Les voix croisées, Xaraasi Xanne, documentaire, Mali/France/Allemagne, sortie le 25 septembre 2024, 122 minutes.

References

Bibliographical reference

Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Raphaël Grisey et Bouba Touré. Les voix croisées / Xaraasi Xanne” », Revue Quart Monde, 271 | 2024/3, 50.

Electronic reference

Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Raphaël Grisey et Bouba Touré. Les voix croisées / Xaraasi Xanne” », Revue Quart Monde [Online], 271 | 2024/3, Online since 01 September 2024, connection on 04 November 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11486

Ce film retrace une aventure exemplaire à plus d’un titre. Porteur d’un sens historique il fait référence aux nombreux combattants issus des colonies françaises morts pour la France pendant la guerre de 1914-1918 où « Il y avait beaucoup plus d’Africains que de Blancs. » Le père d’un des réalisateurs est mort dans les Ardennes. Son fils n’oublie pas, ainsi dit-il : « Le temps pour moi compte beaucoup. »

Le film est également construit à partir d’images d’archives rares montrant des immigrés vivant dans des foyers de la banlieue parisienne, dans les années 1970. Il retrace, avec précision, les conditions de vie dans ces foyers et les luttes de ces immigrés. Luttes pour obtenir d’abord des logements dignes. Parmi les slogans : Non aux foyers-taudis. Luttes et grèves qu’on a depuis longtemps oubliées, et qui sont accompagnées par des gens de théâtre : le groupe de Théâtre d’agitation populaire. À aucun moment on n’élude les conflits internes entre ceux qui voulaient la lutte pour améliorer leur sort et ceux qui, venus pour travailler, ne voulaient que ça, quelles que soient les conditions de logement et de travail.

Le documentaire montre comment plusieurs d’entre eux, se mêlant aux luttes du Larzac, ont appris des paysans du Larzac. Une conscience politique émerge de ces luttes et la famine au Sahel de 1973 va les interpeller profondément. « Il nous faut produire nos céréales nous-mêmes en Afrique. » Ils n’ont plus honte d’être issus d’une paysannerie… Certains font alors des stages chez des agriculteurs en France, en Côte-d’or. Et dès 1977, plusieurs d’entre eux, dont le réalisateur Bouba, sont retournés au pays pour y créer des jardins irrigués le long du fleuve Sénégal. Ce sera la coopérative de Somankidi Coura.

Des vues aériennes des jardins le long du fleuve ponctuent le film. Les termites jouent un rôle prépondérant car on utilise la terre des termitières pour les canaux d’irrigation.

D’autres rappels historiques concernent la période plus récente des luttes des immigrés : Nous sommes tous régularisables, slogan adressé à Chirac. On voit même les luttes des femmes en Afrique qui ont refusé de ramasser les piments et ont pris leur autonomie totale par rapport à la coopérative, créant leur propre coopérative pour être sur un pied d’égalité avec les hommes ! Ces luttes ont conduit à une union régionale des coopératives, et à la création des radios locales par les paysans et pour les paysans. « Collectivement nous prenons soin les uns des autres. » Un film qu’un particulier peut emprunter dans une médiathèque.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

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