Il arrive aujourd’hui que les mauvaises habitudes de la politique - je veux dire par là les petites guerres quotidiennes masquées sous l’apparence aimable du débat ou prenant plus vulgairement la forme du coup de poing à l’estomac - se manifestent de manière inattendue dans toute leur absurde réalité et désespérante inutilité : un jeune garçon de quatorze ans s’est suicidé parce qu’il ne supportait plus les souffrances que faisait peser sur lui la pauvreté.
Et nous, hommes politiques, où étions-nous quand ce jeune, son père et sa mère emprisonnés dans une lutte désespérée pour la survie quotidienne, nous demandaient de l’aide ? C’est en de tels moments que nous nous demandons le pourquoi des choses que nous entreprenons : la politique ne devrait-elle pas être, comme on nous l’a enseigné, la plus noble activité de l’homme dans le champ social ? Les Anglais disent : I care, je me charge ; je prends à ma charge les raisons, les attentes, les difficultés, les besoins des autres... Voilà quelle devrait être la mission de ceux qui font de la politique. En commençant à prendre en charge ceux qui vivent sur les terres que nous foulons, car il est plus facile de connaître les problèmes de ceux qui sont les plus proches de nous.
C’est cela aussi le sens même de la représentation politique : si l’idéal de la démocratie est vraiment la participation directe (...), cette valeur absolue ne peut être atténuée ou effacée par la délégation, devenue nécessaire dans nos sociétés modernes et complexes. Le titulaire de cette délégation est toujours le citoyen : le politicien doit l’exercer, avec toute la sensibilité et la capacité dont il est capable, mais en ayant le citoyen comme seul patron. Combien de fois ce pacte entre l’électeur et l’élu est-il vraiment respecté ? Ceux qui occupent cette fonction de délégation ont-ils encore la capacité d’écoute des gens et de leurs attentes ? A l’évidence, nous pouvons avoir des doutes (...) Je constate seulement que cette séparation existe. D’une part, elle appauvrit le sens profond de la politique, d’autre part, elle isole celui qui a donné délégation, le citoyen, et en particulier celui qui n’a pas la possibilité de faire entendre sa voix.
Personne n’a entendu la voix de ce jeune. Sa demande lancinante d’aide a résonné inutilement dans sa pauvre chambre. Nous n’avons pas été capables de l’écouter. Nous n’avons pas été capables de comprendre que tant de situations de pauvreté concrètes se cachent derrière les statistiques aseptisées des revenus et de la productivité avec lesquelles nous sommes habitués à raisonner.
Pardonne-nous, jeune garçon du quartier Sette Frati de Barletta : ta fuite hors de la vie n’est pas seulement un drame immense pour ta famille. C’est aussi une immense défaite pour la politique.
La Gazetta del Mezzogiorno, 17 mai 2002