Lycéens : la marche pour le bonheur

Jacqueline Chabaud

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Jacqueline Chabaud, « Lycéens : la marche pour le bonheur », Revue Quart Monde [En ligne], 137 | 1990/4, mis en ligne le 05 mai 1991, consulté le 24 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3812

Dans le flot des revendications des lycéens, le ci du cœur d’un de leurs porte-parole m’a frappée : « On veut qu’on puisse être content d’aller au lycée ! » N’osait-il pas dire tout net la raison profonde et inavouée qui fait également marcher les adultes dans la rue ? Eux aussi, ils veulent pouvoir être contents de travailler au bureau, à l’usine, à l’hôpital, dans les champs ou à l’école ! Pardi, qui donc n’aspire pas aux moyens du bonheur ? Mais alors, surgit la question de savoir jusqu’où iront les solidarités des manifestants.

Les marches des lycéens, répétées en France dans le ciel d’automne, l’ont montré : venus des beaux quartiers ou des zones d’éducation prioritaires, des lycées techniques, professionnels ou classiques, ces jeunes se tenaient les coudes. Même si les avenirs des uns et des autres diffèreront, aujourd'hui, ils ont en commun d'avoir un avenir à préparer. A Paris, le 12 novembre, des jeunes ont marché devant les lycéens en cassant tout, comme on les a cassés.

Avec leurs espoirs calcinés et leurs vies en miettes, quels moyens ont-ils de dire qu’eux aussi, auraient voulu pouvoir être contents d’aller au lycée, qu’eux aussi auraient voulu avoir un avenir à préparer ? Leur irruption violente rappelle à tous, lycéens y compris, une évidence trop oubliée : si les moyens du bonheur, ceux d’apprendre, coûtent de l’argent, c’est toujours avec et par les autres qu’on apprend et qu’arrive le bonheur.

Quels moyens allons-nous prendre pour permettre à tous les jeunes de devenir solidaires ? Les réponses ne sont pas aisées. Le 17 octobre dernier, devant la dalle du Trocadéro, les enfants de tous milieux et pays réunis dans le mouvement Tapori en ont proposé une. La voici : « Les livres, ça rend les enfants heureux. Il faut que les grands apportent des livres partout où il y a des enfants. Le plus important, c’est qu’ils aillent chercher tous les enfants chez eux, qu’on n’oublie personne, et nous, on les aide. » Tout commentaire serait superflu.

Jacqueline Chabaud

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