En passant par Roissy

Jérôme Van Langermeersch

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Jérôme Van Langermeersch, « En passant par Roissy », Revue Quart Monde [En ligne], 136 | 1990/3, mis en ligne le 05 février 1991, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3835

En passant par Roissy, je suis toujours fasciné par cet immense radar, imperturbable, capable de localiser en permanence tous les avions dans le ciel. C’est un instrument indispensable à un aéroport. En le voyant tournoyer majestueusement, je me sens rassuré.

L’être humain fonctionne aussi comme cela : il pense en permanence, il mémorise, il regarde et écoute tout autour de lui, histoire de s’assurer qu’il est bien en  vie et qu’aucun danger ne le menace.

Nos pays ont mis en place des radars. La police, la justice, les services sociaux sont chargés de surveiller nos mouvements et de signaler, par exemple, un enfant en danger dans sa famille.

Pourtant, la tour de contrôle d’un aéroport n’est pas seulement là pour réguler le trafic. Les vraies difficultés commencent lorsqu’un avion disparaît des écrans-radars, s’il s’est perdu ou si sa radio émettrice est en panne

Un enfant est « en danger » lorsque sa famille n’a plus la force de se montrer, lorsque les réseaux autour d’elle ne fonctionnent plus et que ses signaux de détresse sont devenus incompréhensibles.

Et nous devons, nous, réviser nos appareils de détection. Un homme qui se suicide à cause de la misère et de la solitude (comme ces jours derniers à Lille) signale à toute la société qu’elle est en danger. Il nous révèle que nos machines à penser, à sentir, à aimer, se sont cassées.

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