Un beau dimanche de campagne électorale, Coluche eut l’indéniable mérite de réunir des personnalités venant d’horizons très divers à cause des plus pauvres. Apogée spectaculaire de la mobilisation des Restaurants du Cœur. La misère ne laisse personne indifférent.
Bien entendu, certains s’en réjouissent. Et d’autres prennent peur en repensant aux soupes populaires d’après-guerre. On parle de bonne conscience qui ne changerait pas fondamentalement le comportement des nantis ou, plus largement, de ceux qui ne connaissent pas une situation de faim.
Et puis pourquoi de telles initiatives alors que depuis des années des très pauvres connaissaient la même situation ! N’est-ce pas parce qu’aujourd’hui sont atteints des citoyens comme vous et moi et que la pauvreté n’apparaît plus comme le lot de quelques individus isolés dont la situation n’est porteuse d’aucun danger pour l’ensemble de la société ? Maintenant, il n’en serait plus de même. La pauvreté frappe à la porte de chacun et menace l’ensemble.
Comment, face à la misère, les citoyens de notre temps se sentent-ils mobilisés et mobilisables. Que comprendre de ce lien qui s’établit entre le vouloir du citoyen que la misère cesse, et la misère elle-même ? Les réponses politiques n’apparaissent plus comme des réponses suffisantes.
La finalité du doit a été trop longtemps perçue comme garantie individuelle face à un système dont il fallait se protéger, au risque réel d’avoir à se protéger de l’autre. Aujourd’hui, le citoyen ressent que le droit acquis est une base de responsabilité pour permettre à ceux qui en sont privés d’y accéder. Sans cette prise de responsabilité, le droit devient exclusif et enfermant.
N’est-ce pas ce qui anime un certain nombre de citoyens qui se mettent, à l’instar de Coluche, à chercher des solutions pour permettre de lutter contre une situation jugée scandaleuse et qui demande engagement ? Que cela ne débouche pas dans l’immédiat sur des solutions politiques ne doit pas être l'occasion de renvoyer ces initiatives au magasin des fausses réponses. Bien au contraire, dans l’expérience partagée se créent les convictions que tous les hommes peuvent contribuer à bâtir la terre de demain. Sans ce partage, la confiance, qui fonde le droit, ne dure pas et le remet en cause. C’est une des raisons qui contribue à la remise en cause de la Sécurité Sociale. Elle accorde des droits à des personnes qui sont perçues comme n’apportant pas assez de contribution nécessaire. Plus la garantie est forte, plus les hommes ont besoin de se rencontrer.
Si les hommes ont besoin de partager des sécurités et les droits qui les permettent, ils ont aussi besoin de partager ensemble ce qui autorise ces sécurités et ces droits. On a beaucoup parler des derniers temps de partage de temps de travail. Depuis bientôt trente ans, le Mouvement ATD Quart Monde prône le partage du savoir. De multiples associations vivent grâce au partage de salaire. Des initiatives comme celles de Coluche ne sont-elles pas le signe d’une volonté d’entreprendre ensemble, signe du refus que le monde se partage seulement entre ceux qui créent des emplois et ceux qui en demandent ?