« Millions et millions
d’enfants, de femmes et de pères
qui sont morts de misère et de faim,
dont nous sommes les héritiers.
Vous qui étiez des vivants,
ce n’est pas votre mort que j’évoque aujourd’hui
en ce Parvis des Libertés,
des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Je témoigne de votre vie.
Je témoigne de vous, mères
dont les enfants condamnés à la misère,
sont de trop en ce monde.
Je témoigne de vos enfants
tordus par les douleurs de la faim,
n’ayant plus de sourire,
voulant encore aimer.
Je témoigne de ces millions de jeunes
qui, sans raison de croire, ni d’exister,
cherchent en vain un avenir
en ce monde insensé.
Je témoigne de vous, pauvres de tous les temps,
et encore aujourd’hui,
happés par les chemins,
fuyant de lieux en lieux, méprisés et honnis.
Travailleurs sans métier,
écrasés en tout temps par le labeur.
Travailleurs dont les mains, en ces jours,
ne servent plus à rien.
Millions d’hommes, de femmes et d’enfants
dont les cœurs à grands coups
battent encore pour lutter.
Dont l’esprit se révolte contre l’injuste sort
qui leur fut imposé.
Dont le courage exige le droit
à l’inestimable dignité.
Je témoigne de vous,
enfants, femmes et hommes
qui ne voulez pas maudire,
mais aimer et prier, travailler et vous unir
pour que naisse une terre solidaire.
Une terre, notre terre,
où tout homme aurait mis le meilleur de lui-même
avant que de mourir.
Je témoigne de vous,
hommes, femmes et enfants
dont le renom est désormais gravé
par le cœur, la main et l’outil
sur le marbre de ce parvis des Libertés.
Je témoigne de vous, pour que les hommes enfin,
tiennent raison de l’homme
et refusent à jamais de la misère
la fatalité. »
17 octobre 1987