Animatrice : Françoise Barbier. TD Quart Monde, Val d'Oise.
Participants :
Dominique Accaoui. Assistante sociale CAF, Val d'Oise.
Dominique Béchet. ATD Quart Monde, Paris.
Anne Billaud. Formatrice Institut de pédagogie du projet, Loire Atlantique.
Frédérique Coulon. Responsable unité territoriale d'action sociale, Loiret.
Christian Ferrier. Responsable de service AEMO, Drôme.
Nathalie Grenot. Assistante sociale dans un service d'hospitalisation à domicile, Paris.
Guy Hardy. Directeur service d'AEMO, sous contrainte judiciaire, Belgique.
Georges Jahrling. Animateur socio-éducatif, militant Quart Monde, Seine St Denis.
Chantal Jouan. Militante Quart Monde, Côtes du Nord.
Dominique Le Courieux. Chef mission ASE, Loiret.
Josiane Lefebvre. Formatrice d'éducateurs de jeunes enfants, Centre de formation de travailleurs sociaux, Puy de Dôme.
Hélène Marchal. Chargée de mission à l'UNAF, Paris.
Josette Rannou. ATD Quart Monde, Ille et Vilaine.
Pierrette Thèbe. Travailleuse familiale, Hte Garonne.
Sophie Walrafen. Stagiaire ATD Quart Monde, Paris.
Françoise Barbier introduit le thème de l'atelier en évoquant la spirale de l'enfermement qui affecte des familles en situation de grande pauvreté. Celles-ci finissent par se considérer elles-mêmes de la façon dont elles sont perçues par les autres et ne croient plus en elles-mêmes ni en leurs capacités. Comment reconnaître et développer leurs potentialités, alors qu'elles-mêmes n'y croient plus ?
Chantal Jouan évoque son expérience personnelle : on a fait reposer sur elle la responsabilité d'élever seule son enfant, le père étant décédé, alors qu'elle n'a cessé de demander, en vain, une aide éducative. Pour Josiane Lefebvre, le cas de Chantal Jouan montre qu'on peut avoir une kyrielle de spécialistes qui gravitent autour de la famille, dont chacun a une vision très partielle, et qu'en l'absence de référent ou de coordination de ces intervenants, des besoins majeurs de la famille peuvent rester sans réponse. Anne Billaud est également frappée de ce qu'on n'ait jamais répondu à l'appel à l'aide qu'a lancé Chantal Jouan quand elle a dit, après le décès de son mari, « je n'y arrive pas. » On a seulement répondu par des mesures alors qu'il y avait, de sa part, une demande à partir de laquelle on aurait pu travailler ensemble.
Dominique Le Courieux se demande, à voir les exigences qu'a la société par rapport à la parentalité, s'il ne devrait pas y avoir, à l'adolescence notamment, une formation qui permette de sensibiliser les jeunes au rôle de parent. Anne Billaud observe que, dans ses fonctions de formatrice de travailleurs sociaux, on a autant de représentations de ce que sont le parent, l'amour, l'amitié, etc., qu'on a de formateurs et de travailleurs sociaux. « Je ne forme l'autre et je n'apprends à l'autre que ce que je suis. » Guy Hardy se demande aussi à quelle parentalité on formerait les gens. Alors qu'il y a de nouvelles formes de parentalité qui sont en train d'émerger, on risque de privilégier un modèle plus ou moins « bourgeois » qui aboutira à culpabiliser encore davantage les plus démunis, parce qu'ils n'arriveront pas à être les parents qu'on leur aura dit d'être. Ce qu'il faut plutôt examiner avec les travailleurs sociaux, c'est comment, dans une situation donnée, les deux personnes qui sont là et qui ont cet enfant, vont pouvoir tout mettre en place de manière à ce que l'enfant s'épanouisse. C'est autre chose que de parler de parentalité.
Pour Dominique Accaoui, on voit mal comment on peut aider un enfant si on dénigre le parent. Comment aider un enfant, par exemple, à ne pas échouer à l'école, si on dit à son père ou à sa mère et devant lui, que, finalement, c'est quand même un peu de sa faute si son enfant est un incapable ? Le parent, c'est quand même le garant de la protection de l'enfant : comment peut-on aider l'enfant à grandir et à se sentir protégé, si le père ou la mère ne comprennent pas finalement pourquoi on a pris telle mesure, ou pourquoi on a fait tel projet pour cette famille ? C'est donc bien à la famille qu'il faut s'intéresser. Le problème pour le travailleur social est moins de se demander ce que c'est que la famille - car il y a de nombreux modèles de famille - que de se dire qu'on va partir de là où en est chaque famille, et on va l'aider à se développer, à trouver son équilibre, à faire face à ses soucis. Soutenir la fonction parentale, c'est, plutôt que de faire passer une norme, travailler sur la façon d'engager le dialogue avec la famille. On dit aujourd'hui aux travailleurs sociaux : « Ne pointez plus les difficultés des familles, partez de ce qu'elles savent faire ! » Très bien. Mais il y a certainement des choses - les familles le disent elles-mêmes - qu'elles ne savent pas faire, où il y a des difficultés, comme chez tout le monde. Or, en tant que travailleur social, est-ce qu'on n'a pas tendance à juger la famille, à dire : « C'est vous le problème », au lieu de : « Il y a ce problème qu'il faut résoudre. » C'est en cheminant avec la famille, en cherchant à comprendre son parcours, la raison de ses difficultés et aussi ses potentialités, qu'on a la vision globale dont on déplorait l'absence tout à l'heure.
Frédérique Coulon prolonge cette notion de globalité à partir de l'exemple d'un père de famille qui considérait que, puisqu'il ne pouvait pas nourrir ses enfants, il ne pouvait pas jouer son rôle de père. On a donc travaillé sur cela en lui proposant - grâce au dispositif RMI - de participer à un jardin d'insertion géré par les Restos du Cœur, où il pouvait rapporter 80 % de sa récolte, les 20 % allant au collectif. On a vu progressivement une évolution de cette famille dans les capacités éducatives, sans aide éducative extérieure, parce que le père avait pu retrouver sa dignité, son statut, lié pour lui au fait de pouvoir nourrir sa famille, et que la famille s'est trouvée aller au jardin, créer du lien avec d'autres personnes, pouvoir donner à manger ses propres légumes, donner aux autres qui étaient plus en difficultés. C'est parce qu'on a pu travailler sur cette globalité familiale qu'on a créé cette dynamique. Globalité de l'accompagnement aussi : dans ce cas, on a réussi à traiter ensemble l'aspect insertion - dans le cadre du RMI - et l'aspect éducatif, parce que dans le Loiret, les intervenants des différents domaines partagent les mêmes locaux et se connaissent. Mais ces aspects, bien souvent, ne se croisent pas. Or il paraît très important que la famille soit aidée dans toutes ses potentialités et soit intégrée dans le dispositif RMI, c'est-à-dire que les ayants droit aient autant de possibilités d'aide à l'accompagnement que le bénéficiaire. Les outils qu'on nous donne au niveau social peuvent être des outils sclérosants, mais peuvent aussi être des outils intéressants quand ils sont effectivement intégrés dans un projet lié à la globalité familiale.
Un autre exemple est le travail mené avec une jeune femme qui n'avait plus de dentition : ses enfants ne supportaient pas l'image de leur mère, elle avait des difficultés à s'exprimer et donc à entrer en contact avec d'autres mamans ou avec l'école, etc. La priorité qu'on s'est donnée a été l'accès aux soins pour permettre à cette femme de retrouver une dentition. A partir de ce maillon, la dynamique s'est inversée. Il faut être humble, chercher le petit bout qui va permettre de progresser.
Pour Dominique Béchet, ces exemples montrent que les parents savent ce qu'il faut pour être de bons parents, mais seulement ils n'en ont pas les moyens. Le problème n'est pas de leur apprendre à être parents, mais de leur donner ces moyens qui ne sont pas nécessairement financiers, mais renvoient à la reconnaissance de leur rôle de parent.
Guy Hardy retrouve dans ces exemples quelque chose qu'il a observé dans sa pratique, c'est que « souvent, ce n'est pas en voulant régler le problème qu'on règle le problème » : le père de famille, dans l'exemple donné, avait probablement des problèmes, mais « on a avancé à partir d'un petit élément qui avait l'air totalement insignifiant. » Frédérique Coulon souligne l'importance d'être vigilant et de prendre le temps nécessaire : « On aurait pu se faire avoir par l'urgence et répondre avec une mesure d'AEMO. » Josette Rannou pense aussi qu'il est essentiel de ne pas se précipiter sur la mise en place de mesures. Guy Hardy raconte comment, dans le cadre d'une maison médicale créée pour répondre aux problèmes de santé des familles, la demande des familles consultées pour savoir ce qu'elles souhaitaient comme service a été un coiffeur ! Il faut être à l'écoute, c'est-à-dire aller chercher la parole de l'autre et la respecter.
Hélène Marchal note que ce sont les conditions matérielles qui font que les personnes se retrouvent sans dents, hirsutes, etc. La meilleure façon de les aider, c'est de les « rehausser » par rapport aux autres. Puisqu'ils n'ont pas d'argent, il faut donc les aider par des moyens parallèles. Frédérique Coulon observe que les moyens existent au niveau de la société, mais il y a un décalage dramatique entre la reconnaissance des droits et leur exercice effectif. Pourquoi n'arrive-t-on pas à activer les dispositifs qui existent, en matière d'aide à la santé, d'aide au logement, etc. ? Pour Hélène Marchal, l'exclusion, qui empêche la personne de se prendre en charge, exige des associations un accompagnement qui va au-delà des moyens matériels. Il faut aider la personne à être une personne et à faire valoir ses droits.
Chantal Jouan note que certaines personnes en difficultés voient tout soutien comme de l'assistanat et peuvent avoir tendance à se complaire dans l'inaction. D'un autre côté, on peut aussi baisser les bras parce qu'on a le sentiment de ne plus compter pour personne : « Dans mon cas, la dynamique s'est amorcée à partir du chant choral, qui m'a conduite à m'occuper de ma dentition pour pouvoir mieux chanter, puis de moi-même en général. »
Georges Jahrling pense, comme Frédérique Coulon, que chaque cas est différent, mais qu'il faut d'abord avoir une relation de confiance avec les gens pour pouvoir dédramatiser les problèmes et en parler simplement. Il donne l'exemple d'un jeune dont l'odeur lui interdisait de trouver un travail. Cela implique de soutenir les gens sans être intrusif, de les renforcer dans leur autonomie à partir d'activités valorisantes, comme le sport. Il faut aussi un esprit d'ouverture pour partager ces expériences avec les assistantes sociales, les éducateurs, etc.
Françoise Barbier reprend les éléments nécessaires à la construction de la confiance évoqués par Georges Jahrling : accompagnement dans la durée, travail sur le positif, dynamique de groupe. Dominique Le Courieux voit dans ces éléments l'avantage de la prévention spécialisée par rapport aux mandats individuels et nominatifs. C'est aussi une incitation à développer, après une vague tout-sécuritaire, notamment vis-à-vis des jeunes, de l'éducatif dans les quartiers et les situations difficiles.
Georges Jahrling explique que : « Ce respect et cette confiance qui existent entre les jeunes et moi, me permettent aussi de leur apprendre le respect des autres. » Josiane Lefebvre approuve : « La notion de respect, c'est revendiquer le respect pour soi, mais c'est aussi l'appliquer aux autres. On a le droit d'être en révolte par rapport à ce que l'on a vécu au niveau de la société, mais on ne peut pas tout tirer de la société sans rien donner ; dans l'exemple du jardin, on voit bien cette réciprocité qui est nécessaire : on m'a aidé, mais je m'aide aussi en fait, je suis acteur dans ce qui se passe. » En revanche, Josiane Lefebvre est plus réservée sur la notion d'amitié évoquée par Georges Jahrling. Elle n'est pas sûre que la relation du travailleur social avec les personnes en situation difficile soit de l'ordre de l'amitié. « Je ne pense pas non plus que cette relation puisse rendre les personnes redevables de quoi que ce soit : on essaie de leur apporter un soutien dans le cadre d'un dispositif d'aide, mais elles ne doivent rien aux travailleurs sociaux. »
Anne Billaud pense que la confiance se joue beaucoup au niveau de la transparence, mais aussi de l'analyse, par le travailleur social, des mécanismes d'exclusion à l'œuvre dans la société : apporter ce savoir à des publics en grandes difficultés, cela permet de les déculpabiliser et aussi de rompre complètement avec leur représentation du travailleur social. Enfin, il y a la question de l'implication pédagogique et éducative dans le projet qu'on a sur les familles : il faut travailler ensemble ce qu'on met sur les mots. Ce travail crée une certaine confiance qui permet de délier beaucoup de choses et de partir de ce que les gens sont.
Mais il est important d'avoir à l'esprit une analyse plus globale au niveau de la société : "Est-ce qu'on n'est pas en train de continuer à maintenir une société où, effectivement, il y en a qui auront du travail et d'autres qui n'en auront pas, et qu'on essaiera de tenir à la surface pour qu'ils ne coulent pas complètement ?"
Françoise Barbier demande comment faire pour partir réellement du projet des personnes, qui n'est pas nécessairement celui qu'on pensait. Dominique Béchet pense que la notion d'étapes est importante. A la cité de promotion familiale de Noisy-le-Grand, les premiers projets des familles sont très concrets : s'installer chez soi, avoir des étagères dans sa cuisine... On ne peut pas se contenter de cela, pas plus qu'on ne peut se contenter de ce que le père de famille évoqué dans l'exemple, participe à ce jardin d'insertion. Mais c'est une première « ficelle » qu'il est essentiel de repérer. Bien sûr on veut tous qu'il n'y ait plus d'exclusion, mais il faut des étapes, sinon on attend la révolution. Mais même la révolution on voit ce que ça a donné par rapport aux plus pauvres !
Christian Ferrier livre son pessimisme sur la capacité et la possibilité pour les travailleurs sociaux de travailler avec les familles. « Le discours qu'on tient depuis ce matin, moi je l'entends tous les jours. Sauf que je suis confronté aux pratiques, et je vois que ça ne se passe pas comme ça, parce que les travailleurs sociaux ne savent pas faire, ils n'ont pas appris, ils ont peur, et ils ne sont pas en situation de faire, c'est-à-dire qu'on évolue tous dans un cadre institutionnel qui ne le permet pas. Pour travailler avec les familles, il faudrait que l'outil principal soit la dimension humaine. Or, c'est possible dans certains types d'organisation ou des associations, mais ce n'est pas possible pour un travailleur social. Par contre, on peut travailler utilement au niveau juridique, sur l'accès au droit. » Mais Christian Ferrier invite à la prudence : « On va peut-être conclure l'atelier en disant que si les travailleurs sociaux font ceci, cela, on va y arriver. Moi, je pense qu'on n'y arrivera pas, parce qu'il y a aussi des logiques de système, des questions de formation et des questions de positionnement difficiles à surmonter. Et toi ce que tu fais (Georges), je ne pourrais jamais le faire, même si je voulais le faire. A moins de changer de place et d'aller travailler ailleurs... »
Guy Hardy, qui travaille dans un service qui s'occupe uniquement de mandats judiciaires, souhaiterait réagir à cette interpellation. D'après lui, on peut sortir de cette contradiction en étant subversif, pour « mettre le ver dans la pomme » et remettre la relation humaine au cœur du travail avec les familles. On est dans un système froid où seules comptent des règles et des contraintes aux effets complètement pervers. Guy Hardy donne un exemple concret, à propos de la pédophilie : en Belgique, la sensibilité sur cette question est telle que, systématiquement, « un gamin qui en tripote un autre » est qualifié de pédophile et est envoyé à son service. Constatant que leur intervention auprès des procureurs, des travailleurs sociaux, etc., ne limitaient pas ces excès, Guy Hardy et son équipe ont commandé, à une université, une recherche sur leur prise en charge par rapport aux « jeunes abuseurs » : « Le chercheur est donc venu nous trouver en nous demandant : « quels sont les critères pour vous envoyer des jeunes ? » Nous, on a répondu : « On ne sait pas, allez demander aux magistrats. » Deux jours après, on n'avait plus aucune situation. Parce que les magistrats se rendaient compte que les critères sur la base desquels ils nous envoyaient des jeunes, c'était uniquement la peur de la presse. (...) Je pense qu'il y a des espaces de liberté pour faire changer les choses, mais nous, les travailleurs sociaux, nous avons perdu notre capacité de subversion. »
Anne Billaud est « mitigée » par rapport à cette notion de subversion : qu'est-ce qu'on propose à la place ? Christian Ferrier se reconnaît dans les propos de Guy Hardy, mais observe qu'il est confronté à un problème spécifique, c'est que le juge fait tout ce qu'il lui demande ! Théoriquement, les travailleurs sociaux aident à la décision, « mais en fait, les juges nous suivent tout le temps dans ce qu'on propose pour les familles. » Cela pose le problème de la position de pouvoir des travailleurs sociaux, et de leur capacité à ne pas se laisser emporter par ce pouvoir.
Pour répondre à Christian Ferrier, Dominique Béchet pense qu'il faut tenter de changer les choses de là où on est. « De la même manière que pour permettre à une famille de grandir et de retrouver son rôle éducatif il faut trouver la petite ficelle sur laquelle on tire, par rapport aux travailleurs sociaux et par rapport à notre place dans la société, il faut aussi trouver le petit bout de ficelle. » Est-ce que ça ne pourrait pas être justement : comment s'appuie-t-on sur la force des familles, sur leur valeur, leurs potentialités ? Christian Ferrier évoque la Roumanie et l'Albanie où il a travaillé avec des familles en extrême précarité. Les conditions de logement, d'alimentation, d'hygiène, etc. y sont telles que, en France, tout ce monde serait placé en institution. Or il n'y a pas d'institutions dans ces pays. Du coup, « le petit fil, on était bien obligé de le chercher si on voulait faire quelque chose... » En France, Christian Ferrier n'est pas sûr que le travailleur social soit en situation de le trouver.
Françoise Barbier interroge les participants sur la liberté et la créativité que les travailleurs sociaux peuvent néanmoins préserver. Pierrette Thèbe pense qu'il faut faire attention à écouter vraiment les personnes, sans avoir une idée derrière la tête dont on va guetter la confirmation dans leurs propos. C'est le préalable indispensable pour comprendre les souffrances et les désirs de la personne.
Josiane Lefebvre est frappée de l'incompréhension que Chantal Jouan exprime vis-à-vis de mesures qu'on lui a imposées, soit parce qu'on n'a pas pris le temps de les lui expliquer, soit peut-être qu'on a utilisé un vocabulaire qui n'était pas compréhensible. On a l'impression qu'elle a été l'objet des mesures et qu'à aucun moment elle n'a été sujet. Il faut écouter les gens, et aussi être très attentif au vocabulaire qu'on utilise, s'assurer que les parents et l'enfant ont compris la place de chacun. Cela exige du travailleur social une capacité à avoir un regard sur soi, mais aussi de prendre le temps nécessaire, ce qui demande peut-être aussi qu'il ne croule pas sous le nombre de dossiers.
Christian Ferrier prolonge la question du vocabulaire en donnant l'exemple de la formulation d'un imprimé que son service envoyait aux familles pour les convoquer après réception de l'ordonnance du juge : « Si on démarre comme ça, c'est foutu. » Désormais, la lettre prévient que le service prendra prochainement contact, le premier rendez-vous ne se fait plus au bureau, mais à la maison. Cette modification de procédure change complètement les rapports. Mais elle a rencontré l'hostilité de son équipe. Dominique Béchet observe que cet exemple montre que des choses sont possibles. Il avait été très frappé, dans sa formation d'éducateur, du sentiment d'omniscience qu'on transmet aux étudiants : l'éducateur a affaire à des gens qui ne savent rien, il est un libérateur... Cela explique un certain nombre de pratiques. C'est pourquoi il est si encourageant de voir autour de la table des gens qui veulent changer les choses.
Guy Hardy n'est pas d'accord avec l'idée de venir chez les gens pour nouer un premier contact. Il y a beaucoup de familles qui disent : « Ne venez pas chez moi. »
Guy Hardy revient sur un épisode évoqué par Chantal Jouan : celle-ci a noué une relation de confiance avec un psychologue d'une institution dans laquelle son enfant était placé, à qui elle a parlé de l'anorexie de sa fille ; et puis cela s'est tout d'un coup retrouvé dans un document judiciaire. « Tant que des choses comme ça se passent, tant que des travailleurs sociaux créent des relations de confiance avec des gens dans un cadre où la confiance devient quelque chose de dangereux pour la famille, c'est intenable. » Il cite aussi le cas d'une jeune fille de quinze ans suivie en AEMO judiciaire, qui a un bébé, et qui, dans la relation de confiance avec la travailleuse sociale qui la suit, avoue à celle-ci que, une ou deux nuits auparavant, elle a tenu le coussin sur la tête de l'enfant. Et le soir même, elle se retrouve en prison. C'est l'effet de l'obligation de dénonciation. Il faut que les travailleurs sociaux réclament des terrains sur lesquels ils ont une confidentialité totale.
Dominique Accaoui exprime son profond désaccord avec Guy Hardy : « On a obligation de signaler, et je suis tout à fait tranquille avec ça parce que je pense que c'est notre devoir de citoyen, qu'on ne peut pas laisser faire n'importe quoi sur des gamins, que le droit des enfants est une avancée, que tout parent doit comprendre qu'il a des droits mais aussi des devoirs, et qu'un enfant, on ne peut pas en faire ce qu'on veut. » Elle ne se sent pas, personnellement, en porte-à-faux, en travaillant avec une famille qui lui confie des choses graves et à qui elle va expliquer la démarche du signalement, qui va d'ailleurs être élaboré conjointement. « Par contre, là où c'est difficile, c'est quand la relation s'arrête après cette transmission de signalement : on prend la parole de la famille, on la transmet et ensuite on laisse la famille, on ne veut plus en entendre parler parce que c'est la vilaine famille. » Mais si le travail continue, et s'il se fait en transparence - elle le fait dans la pratique et pense que d'autres travailleurs sociaux le font aussi - , ça ne lui pose pas de problème d'expliquer à une famille qu'il y a une loi et qu'il y a des enfants à protéger, qu'on ne peut pas faire n'importe quoi et qu'on vit dans une société où l'on avance aussi à travers les règles.
Anne Billaud pense que face à la jeune fille évoquée par Guy Hardy, il y a un travail énorme à faire pour reprendre la situation tout de suite, la comprendre, et en arriver à lui retirer ou au contraire lui laisser l'enfant. Tout le travail avec la personne est de lui faire comprendre cette dimension de protection de l'enfant qu'évoque Dominique Accaoui. « Elle l'a forcément cette dimension de l'enfant, elle sait très bien qu'elle est en train de le tuer son gamin, si elle le dit, c'est un cri, c'est aidez-moi... » Pour Guy Hardy, cela va encore plus loin. Il suffit d'aller interroger les enfants maltraités qui sont mis dans des institutions. Dans une étude faite aux Etats-Unis, sur 380 enfants placés suite à de la maltraitance grave, 90 % des enfants disaient qu'ils préféraient rester en famille plutôt qu'être placés. « Qui doit-on protéger ? N'est-ce pas une façade que la société s'est donnée en disant : "Il y a quand même des interdits qui restent, ceux-là" » ? Dominique Accaoui rétorque qu'il y a des enfants qui meurent de suite de maltraitances ! ça existe et il y en a beaucoup. Il y a parfois possibilité de travailler avec la famille, et le scénario positif est bien sûr qu'elle fasse le pas, mais il y a aussi l'urgence d'une situation comme celle-là, il y a aussi le devoir du citoyen. Ne rien faire, en ayant connaissance d'un fait comme ça, c'est de la non-assistance à personne en danger; qui rend le travailleur social passible de sanction pénale. Dominique Le Courieux appelle cependant à jouer « cartes sur table ». La loi dit que la famille est informée, c'est-à-dire que, quand le travailleur social reçoit une information inquiétante de la part des parents, il doit leur dire : « En application de la loi je ne peux pas garder ça pour moi, je le transmets à l'autorité judiciaire. » Ce n'est pas quinze jours plus tard que les parents doivent apprendre, par l'autorité judiciaire, qu'il y a eu quelque chose qui est inscrit dans leur dossier à leur insu. Selon Guy Hardy, pour que le jeu soit réellement franc, il faudrait prévenir auparavant la personne que toutes les paroles qu'elle va dire peuvent être retenues contre elle. Dominique Accaoui réagit : « Sauf que cette jeune fille, du coup, elle ne le dit pas et le lendemain, le gamin est peut-être mort... Attention ! »
Pour Dominique Béchet, c'est aussi une question de discernement. Il s'est souvent retrouvé dans des situations comme celle-là, à se demander s'il fallait dénoncer ou non. La question qu'il se pose, c'est de savoir quelle est la possibilité de discernement des travailleurs sociaux, les lieux de recul et le soutien dont ils bénéficient, pour éviter de se retrouver seuls face à une situation comme celle-là.
Pour Nathalie Grenot, l'essentiel est le travail en équipe, pour que se croisent le regard de la puéricultrice, celui de l'assistante sociale, celui du psychologue, etc., et que le travailleur social ne se retrouve pas seul face au dilemme souvent insoutenable entre signalement et non-signalement.
Frédérique Coulon remarque que les seuils de tolérance des travailleurs sociaux varient beaucoup selon les zones concernées et selon leur parcours individuel, ce qui induit de grandes différences de pratiques dans les signalements : « Un travailleur social qui travaille depuis des années en quartier sensible ne va pas du tout avoir la même réaction et la même analyse, et ne va pas s'adresser à la famille de la même manière qu'un travailleur social qui n'a pas l'habitude de travailler avec des familles avec ce type de problématique et qui immédiatement va hurler en disant : "C'est scandaleux, mais qu'est-ce que vous avez fait dans cette UTAS (Unité territoriale d'action sociale) ? Vous avez laissé les choses comme ça ! Moi je place, moi je "sauve" ! »
Dominique Le Courieux nuance l'opposition rural/urbain en observant que dans les zones urbaines les plus sensibles, il y a généralement un maillage associatif qui permet aux enfants, par exemple, de pouvoir s'exprimer beaucoup plus facilement que dans un milieu reculé de la zone rurale.
Chantal Jouan appelle à mesurer l'image des plus pauvres que révèlent les réflexes des travailleurs sociaux. Tout à l'heure, on a réagi à cette histoire du coussin sur la tête, "tout de suite on a sauté sur la mère de famille », qui finalement a été honnête, alors qu'il y a des gens très bien placés dont les enfants meurent de maltraitance parce qu'ils ne sont pas suspectés a priori. « Nous, les pauvres, on a beaucoup de choses sur le dos. » Il y a des efforts des plus démunis dans l'éducation de leurs enfants qui ne sont pas pris en compte ni encouragés parce qu'ils sont jugés incapables de s'occuper de leurs enfants.
Françoise Barbier demande comment on peut utiliser l'environnement des personnes pour bâtir un projet, notamment par ce travail pluridisciplinaire dont parle le rapport Naves-Cathala ?
Dominique Le Courieux y voit une perspective. Actuellement, dans le cadre de l'Aide sociale à l'enfance, le réseau familial n'est pas utilisé, on reste surtout dans la problématique parentale. Il faut mesurer les risques de cette ouverture en direction des grands-parents, des oncles et tantes, des voisins, notamment le phénomène d'appropriation de l'enfant. Mais on est actuellement dans un cadre trop fermé parents-enfants, et aussi dans un fonctionnement trop rigide de réception d'information, signalement, saisine de l'autorité judiciaire. Il faut reprendre des risques pour arriver à travailler sur les potentialités.
Josette Rannou explique la démarche d'ATD Quart Monde en Bretagne, où l'on cherche à favoriser l'accueil de familles de milieux différents dans un lieu communautaire. On passe ainsi d'une réponse d'un professionnel à des parents à une réponse de parents entre eux, mais de parents de milieux différents qui se retrouvent parce qu'ils ont le même souci d'éducation de leurs enfants, en tant que parents. Mais une première étape est nécessaire, où les familles qui ont le plus de difficultés à sortir et rencontrer les autres reprennent des forces : cela nécessite un accompagnement individuel pour arriver au lieu communautaire, et cet accompagnement peut être très long. Il y a aussi le bouche-à-oreille qui crée un effet d'entraînement.
Ce travail exige aussi un partenariat avec les professionnels. On est arrivé à l'écriture d'une charte commune entre les différents partenaires : travailleurs sociaux, Mutualité sociale agricole, associations comme l'Aide à domicile en milieu rural qui gère les travailleuses familiales, Conseil général. Mais cela s'est fait après un travail de cinq ans.
Pour Christian Ferrier, ce qui est important dans cette expérience, c'est qu'elle vient d'un groupe qui est constitué par des gens qui vivent eux-mêmes leurs problèmes et qui se sont engagés dans une démarche ensemble. Il y a peut-être quelqu'un qui est venu leur dire : « Allez, on se met ensemble », mais il n'y a pas une autorité qui est venu leur dire : « Il faut vous mettre ensemble. » « Cela, nos cadres de travail, je regrette, ne le permettent pas. Comment les familles peuvent-elles arriver à développer des potentialités ? Ce n'est peut-être pas grâce aux travailleurs sociaux, c'est peut-être grâce à des gens qui arrivent à les mettre dans ces conditions. »
Josette Rannou pense que cela peut être aussi grâce aux travailleurs sociaux. Elle donne l'exemple d'une initiative de travailleurs sociaux avec lesquels ATD Quart Monde réfléchit sur le développement des potentialités des familles : ils ont créé un groupe « convivialité », où des travailleurs sociaux et des travailleuses familiales permettent à des familles en grandes difficultés de se retrouver pour vivre une journée ensemble, faire la cuisine, mener diverses activités et aussi prévoir un budget, réfléchir ensemble. Désormais, l'étape qui est encore à gagner, c'est d'avoir des familles d'autres milieux qui se rassemblent là, en impliquant d'autres professionnels et associations.
Pour Dominique Le Courieux, ces démarches sont possibles, au moins en action sociale administrative. Un Conseil général peut dire : vous avez une enveloppe financière de tant, on vous met à disposition tant d'équivalent temps plein d'intervenants, et puis vous mettez en place une stratégie de développement communautaire. Au plan légal, la seule obligation c'est la demande ou l'accord des familles participantes. Tandis que dans une stratégie de protection judiciaire, c'est plus difficile.
Guy Hardy trouve catastrophique que lorsqu'on demande à des familles "qui va pouvoir les aider demain", elles répondent par la liste des professionnels qui sont autour d'elles, qui sont devenus leur réseau de solidarité. Il faudrait que, dans la tête des travailleurs sociaux, la nécessité de créer du lien devienne un pré-requis de leur pratique. Il donne l'exemple d'un père maltraitant qu'il a convaincu de frapper à la porte des voisins plutôt que sur son fils et qui a finalement trouvé le soutien d'une dame, veuve, qui voulait bien jouer le rôle de grand-mère.
Anne Billaud explique que son organisme de formation propose depuis cinq ans des espaces de parole et d'accompagnement de projets, qui sont ouverts à tous les publics. Cela a beaucoup de mal à passer dans le programme RMI, parce qu'il y a des réticences à financer ce qui n'est pas de l'insertion professionnelle. Ce sont des espaces de liberté et de construction du savoir, qui forment à l'autonomie. Ce projet est né d'une réflexion d'agents de missions locales et de PAIO (Permanence d'accueil, d'information et d'orientation) qui disaient qu'ils ne servaient plus à rien, qui avaient l'impression de ne plus faire que de la mesure au jour le jour, et qui ont fait le choix de dire : « On peut aussi apporter autre chose que la problématique même de l'insertion. » L'insertion, les personnes la règleront elles-mêmes une fois qu'elles auront développé ce potentiel. Elles ont une ressource extraordinaire.
Chantal Jouan demande si les professionnels se mettent jamais à la place des familles, s'ils réagissent parfois aussi en tant que parents ?
Françoise Barbier remarque que dans un certain nombre d'expériences collectives, il y a souvent des mères comme Chantal Jouan qui ont un peu le rôle de relais par rapport aux professionnels, et qui, justement, peuvent apporter ce regard.
Chantal Jouan explique qu'elle-même soutenait une voisine qui avait deux petites filles. Elle a eu peur qu'elle ne se laisse mourir de faim avec ses enfants. Elle a hésité à faire appel aux travailleurs sociaux, en se souvenant qu'elle s'était elle-même trouvée dans une phase où elle sentait que les enfants étaient un peu en danger. Elle craignait aussi que du jour au lendemain, les enfants ne soient plus là. Donc elle s'est mobilisée auprès du médecin, auprès de la mère, pour que celle-ci obtienne une travailleuse familiale. Aujourd'hui elle ne peut plus la soutenir parce qu'elle doit épauler son propre fils et sa famille qui est « cassée », mais les membres d'ATD Quart Monde ont pris le relais. Chantal Jouan souligne que « si on part toujours dans le professionnel, il n'y a pas d'avancées, c'est ça le problème aussi. On fait toujours la différence entre le pauvre et le riche, c'est une chose que je ne supporte pas ; pourtant la mère pauvre porte l'enfant comme la femme riche, on meurt de la même façon aussi... »
Une professionnelle ajoute qu'un enfant de pauvre énerve autant qu'un enfant de riche. Elle se souvient qu'à ses débuts, elle avait un regard dur sur ces parents qui ne supportaient pas leur enfant. Puis elle a eu un premier enfant, un deuxième, qui, la nuit, ne voulaient pas dormir et braillaient sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Elle se disait : « Je vais les passer par la fenêtre ! » Quand, par la suite, elle entendait une mère de famille dire : « J'ai failli le passer par la fenêtre ! », elle ne réagissait plus en disant que l'enfant allait mourir, elle se souvenait qu'elle l'avait dit aussi. Et encore, elle-même n'avait par ailleurs aucun des problèmes de logement, d'argent; de voisins bruyants, etc., que connaissent les familles en situation de pauvreté. Chantal Jouan disait : « Les travailleurs sociaux sont aussi parents. » C'est vrai, mais il y a deux écoles dans la formation de travailleurs sociaux : on fait fi de ses propres sentiments et de ses affects, on ne les introduit jamais dans la relation ; ou bien alors on travaille avec ses propres affects, bien sûr en étant vigilant, en conservant un certain recul parce qu'on ne peut pas plonger complètement. On retrouve ces deux types de choix partout : les travailleurs sociaux qui acceptent le café dans la famille, et ceux qui ne l'acceptent pas ; ceux qui ne l'acceptent pas parce qu'ils pensent que c'est donner trop, après, pour travailler avec la famille, et ceux qui sont à l'aise et qui vont l'accepter, tout en pouvant dire après qu'ils ne sont pas d'accord avec la famille.
Chantal Jouan demande aussi si le travailleur social peut faire la différence, dans les propos des parents, entre l'abstrait et le concret : « Parce que nous, on n'a pas de chance, on va dire quelque chose d'abstrait, ils l'entendent au concret et le lendemain c'est terminé, les enfants ne sont plus là. » Josiane Lefebvre pense que cela montre l'importance d'avoir des espaces de parole neutres, où justement, une mère qui a envie de passer son enfant par la fenêtre puisse venir et dire : « Je n'en peux plus, j'ai besoin de décompresser », sans forcément être jugée. On ne peut pas dire : « On crée des espaces pour que vous veniez dire que vous n'êtes pas bien », mais on peut créer des espaces, par exemple autour du jeu des enfants ; au travers de ce qui se passe au niveau du jeu des enfants, quand le groupe se connaît un peu, on arrive à des discussions qui vont plus loin. ça passe aussi quelquefois par des expériences de quartier, des lieux d'accueil parents-enfants, des lieux où on peut exister, où on peut dire les choses, on peut venir, ne pas rester. Ce sont des lieux qui créent de la convivialité et qui permettent aussi aux travailleurs sociaux de voir les familles différemment et de réinterroger leur regard sur elles.
Guy Hardy pense qu'il est plus efficace d'être contagieux que prosélyte : « Quand je vois la solidarité entre travailleurs sociaux, je me dis qu'on prêche la solidarité chez les autres, mais entre nous !... Je pense qu'il faut être contagieux avec l'attitude dont tu viens de parler. »
Dominique Béchet souligne qu'il ne suffit pas de créer des lieux d'accueil et de dire aux plus pauvres qu'ils peuvent y aller. Un travail d'accompagnement est nécessaire.
Chantal Jouan interroge aussi le fonctionnement financier des foyers, qui peut conduire à placer des enfants « pour boucher les trous », comme cela est arrivé pour deux de ses enfants. Mais ce n'est pas aux familles pauvres d'être les boucs émissaires pour alimenter le fonctionnement de ces structures. Frédérique Coulon approuve entièrement : « Il faut sans doute modifier la prise en charge au niveau des établissements. Il faut qu'on ait un budget global plutôt qu'une tarification au prix de journée ; cela introduit des distorsions et peut conduire à des placements hors normes. »
L'atelier revient en conclusion sur les pistes de propositions dégagées.
Christian Ferrier retient que pour permettre aux potentialités des familles de se révéler, comme dans l'exemple donné par Josette Rannou, l'accompagnement ne doit pas être contraint. D'autres participants précisent les conditions d'efficacité de cet accompagnement : confiance, durée, cheminement commun, moyens donnés aux familles d'être acteurs, de s'approprier leur vie, de se révéler leurs capacités. Chantal Jouan souligne le rôle de la culture pour développer les potentialités.
Dominique Béchet rappelle la nécessité de ne pas « saucissonner » les gens, mais de les considérer dans leur globalité, globalité de la personne et de la famille, y compris élargie.
Guy Hardy souligne qu'il s'agit de permettre aux gens de prendre leur place et non de la leur donner.
Françoise Barbier revient également sur la notion de travail en équipe, du croisement de regards différents attachés à des compétences différentes. Ce décloisonnement des missions dans les institutions, souligne Frédérique Coulon, amènera inévitablement un décloisonnement dans la prise en charge familiale.
Françoise Barbier revient également sur la création de liens conviviaux, par des espaces de verbalisation, de parole, de liberté, de solidarité.
Plusieurs évoquent enfin les conditions d'efficacité d'une démarche de projet : le projet doit être évolutif, réajustable. Il doit être construit avec la personne, dans la transparence sur le cadre dans lequel on travaille, les attentes qu'on a par rapport à la personne et les limites de l'action. Pour Georges Jahrling, cela exige d'abandonner les jeux de pouvoir. Dominique Accaoui pense qu'il ne faut pas nier le pouvoir social que l'on a, mais le légitimer auprès de la personne avec laquelle on travaille.