Le CASNAV, Centre académique pour la scolarisation des élèves nouvellement arrivés en France et des enfants du voyage, forme les enseignants du premier et du second degré, travaille avec tous les partenaires impliqués par l’accueil des gens du voyage (Conseil général, Préfecture, Mairies, associations de gestion des aires d’accueil…).
Dans le Vaucluse, pour le premier degré, dix-huit enseignants sont spécialisés pour soutenir la scolarisation de ces élèves. Ils leur apportent du soutien en fonction de leurs besoins, en petits groupes, en dehors de la classe ordinaire dans laquelle ils sont inscrits. Ils interviennent deux heures par semaine sur les aires de stationnement du département pour créer une passerelle entre l’aire d’accueil et l’école, et pour soutenir les élèves inscrits au CNED2. Enfin, lors de certains grands rassemblements de voyageurs, une école sous chapiteau est installée sur le terrain où stationnent les caravanes. Autant d’actions mises en œuvre par l’Éducation nationale, qui permettent d’améliorer la scolarisation des enfants du voyage et de faire progresser ces élèves qui ont la soif d’apprendre !
Se déplacer rime avec s’arrêter
Il existe une grande diversité de situations… Je vais donc tâcher de donner quelques grandes lignes concernant des familles que j’ai rencontrées, des enfants que je connais.
Je ne parlerai ici des difficultés à scolariser que pour les familles qui sont véritablement itinérantes. Elles voyagent pour raisons professionnelles, économiques et par « tradition ». On trouve des commerçants qui vendent sur les marchés, des professionnels du bâtiment, des élagueurs, des ouvriers agricoles (pour la cueillette des cerises, les vendanges, etc.), des forains, des circassiens3… Ils se déplacent au gré des contrats de travail qu’ils cherchent ou qu’ils ont trouvé.
Mais se déplacer rime avec s’arrêter. La préoccupation première d’une famille qui voyage, c’est de pouvoir stationner, trouver de l’eau, de l’électricité et se mettre au travail. C’est concrètement, comme pour tout le monde, pouvoir cuisiner, mettre une machine à laver en route, avoir la télévision et le frigo qui marchent ! Une fois ces contingences résolues, la question de la scolarisation des enfants peut être prise en compte.
Entamer des démarches qui prennent du temps
On comprendra alors que diverses situations existent. Une famille qui stationne sur une aire de stationnement prévue à cet effet peut rapidement scolariser ses enfants. Un cirque familial comporte des convois qui ne peuvent stationner sur ces aires et, qui plus est, il est dans l’obligation de stationner sur le lieu même où il va travailler.
Dans le Sud-est de la France, sur une centaine de demandes d’autorisation de travailler faites aux Mairies, les cirques familiaux obtiennent moins de cinq réponses favorables. Conséquence : certains cirques familiaux sont obligés de s’arrêter sans autorisation, ou sur des terrains privés, les durées de stationnement variant de vingt-quatre heures à une semaine en général. Toute l’énergie familiale se concentre sur cette seule question. C’est ainsi que des centaines d’enfants ne sont que rarement sur les bancs de l’école.
Pour scolariser ses enfants, il faut donc avoir réglé auparavant les questions de toute première contingence.
Dans un deuxième temps, il faut régler les questions administratives. Se rendre en mairie pour remplir un dossier d’inscription différent dans chaque ville. Comment fournir une attestation de domicile ? Quelle sectorisation ? ... Certaines communes se montrent peu facilitantes, malgré l’obligation scolaire. Toutes ces démarches prennent du temps… Autant de journées de classe perdues…
Se faire une place dans la nouvelle classe
Après un parcours du combattant, nous voici enfin arrivés à l’école. Là encore, diverses situations existent, selon les effectifs de la classe, selon le moment de l’année, selon la formation des enseignants…
Imaginez qu’après ce périple le petit Joy, enfant d’une famille de circassiens, arrive enfin à l’école. La maîtresse a vingt-huit élèves…, elle l’accueille, lui fait une place sur la table libre qui est probablement au fond de la classe, car on connaît heureusement peu de maîtresses qui laissent des tables libres devant. Elle a préparé ses séances, elle met les élèves au travail et, le temps de s’organiser pour Joy, c’est-à-dire d’évaluer rapidement son niveau, de trouver du travail adapté, elle lui donne une feuille et il fait un dessin en attendant. Au mieux, s’il est dans une classe qui correspond à peu près à son niveau, il arrive à se raccrocher au travail de la classe… Il a l’habitude de s’adapter car il « visite » une cinquantaine d’écoles par an, il rencontre environ mille trois cents camarades de classe !
11h30, fin de la matinée. Il rentre manger à la caravane. « Alors, tu as appris quoi ce matin ? », lui demande sa mère. Joy ne sait pas exactement, il n’est pas vraiment capable de répondre… Si, si, il se souvient... « J’ai dessiné le chapiteau pour montrer aux copains ! » De cela, il se souvient… Le tour est joué, « toute cette énergie pour rien » se disent les parents... Il y a peu de chance que Joy retourne à l’école… La maîtresse l’attendra certainement avec le travail qu’elle aura préparé entre midi et quatorze heures, exprès pour lui… Il reviendra peut-être demain ou peut-être pas…
Pour une meilleure scolarisation des enfants du voyage...
Pour scolariser ses enfants, il faut pouvoir comprendre le fonctionnement du système scolaire : comprendre que le besoin immédiat de la famille se frotte à un système bâti sur l’année scolaire, comprendre que l’on n’apprend pas à lire en deux jours, comprendre aussi qu’avec ces élèves il faut travailler sur des objectifs courts et ciblés.
Pour améliorer la scolarisation des enfants du voyage, plusieurs axes de travail sont à engager : améliorer les possibilités de stationnement, faciliter les inscriptions, expliciter l’École aux familles, expliciter le fonctionnement et la réalité des familles à l’École pour un accueil et une prise en charge adaptés…