La fraternité, dernier rempart contre la destruction

Isabelle Pypaert Perrin

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Isabelle Pypaert Perrin, « La fraternité, dernier rempart contre la destruction », Revue Quart Monde, 234 | 2015/2, 1.

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Isabelle Pypaert Perrin, « La fraternité, dernier rempart contre la destruction », Revue Quart Monde [En ligne], 234 | 2015/2, mis en ligne le 01 décembre 2015, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6194

Geneviève de Gaulle Anthonioz vient d’entrer au Panthéon à Paris. Elle, qui fût résistante et déportée, a été une militante des droits de l’homme jusqu’au bout de sa vie, et même au-delà à travers l’héritage qu’elle nous lègue. Dès 1958, elle a fait route avec Joseph Wresinski, avec des hommes, des femmes et des enfants, luttant jour après jour contre la misère, habités par l’espoir sans fin d’être reconnus comme des êtres humains à part entière. Elle a pris part à la construction d’un Mouvement portant un message pour le monde : la misère est violence, elle est un déni d’humanité ; il faut s’unir pour la détruire. Alors que notre société s’organise toujours plus pour tenir les pauvres à distance et est, en même temps, tellement en recherche de ce qui bâtit notre humanité commune, son engagement et ses paroles continuent de nous encourager :

« Un jour, j’ai accepté d’aller avec le père Joseph Wresinski rencontrer ces très pauvres dont il me parlait. Je crois que c’est la première chose que nous pouvons faire : ouvrir les yeux, accepter de connaître, accepter d’aller voir. […] Le deuxième pas que nous devons franchir les uns et les autres, c’est refuser ce qui est inacceptable. Au camp de Noisy-le-Grand, il y avait deux petits enfants qui étaient morts dans l’incendie d’un de ces bâtiments qu’on appelait des igloos, ils étaient mal protégés du froid par des épaisseurs de papiers journaux. Nous nous sommes tous retrouvés dans la chapelle du camp, très serrés les uns contre les autres, des amis, des volontaires, des familles, pour partager l’immense douleur de la famille dont les petits enfants avaient brûlé et, à ce moment-là, on s’est senti vraiment comme des frères et sœurs. Tout à coup cela m’a liée, d’une manière définitive. C’était ma famille, je voulais que ce soit ma famille. […] Dans un camp de concentration, nous n’avions rien d’autre à opposer à la cruauté, à la haine, à la destruction des êtres humains que cette fraternité. Finalement, c’est elle qui gagne parce qu’elle est plus forte que tout. Et ce que les familles en grande pauvreté nous apprennent au jour le jour, avec leurs moyens, avec ce qu’elles construisent entre elles, avec nous et avec le monde des autres - qu’elles pourraient détester à juste titre parce qu’elles sont injustement plongées dans la misère - c’est la fraternité1. » Ces résistants à la misère avec lesquels Geneviève s’est liée, qui les reconnaît et les rejoint aujourd’hui ? Ils réinventent sans cesse la fraternité et le vivre-ensemble au cœur des plus grandes difficultés. Si nous choisissions de les rencontrer et de nous associer à leur recherche permanente de paix, alors, l’avenir s’ouvrirait vraiment pour tous.

1 Geneviève de Gaulle Anthonioz, Actes des Assises de l'Alliance internationale, Mouvement international ATD Quart Monde, Pierrelaye, France, 21-25

1 Geneviève de Gaulle Anthonioz, Actes des Assises de l'Alliance internationale, Mouvement international ATD Quart Monde, Pierrelaye, France, 21-25 août 1995.

Isabelle Pypaert Perrin

Isabelle Pypaert Perrin est déléguée générale du Mouvement international ATD Quart Monde

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