Une seule justice

Isabelle Pypaert Perrin

p. 1

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Isabelle Pypaert Perrin, « Une seule justice », Revue Quart Monde, 256 | 2020/4, 1.

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Isabelle Pypaert Perrin, « Une seule justice », Revue Quart Monde [Online], 256 | 2020/4, Online since 01 December 2020, connection on 05 October 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10066

En Amérique centrale, dans son village loin du bourg posé sur une colline sans arbre, Diego adorait les livres qu’apportent chaque semaine les animateurs1. Trop loin du premier dispensaire, la maladie vient de l’emporter. En Europe, le bébé de Lucile est retiré à sa maman quelques semaines après sa naissance. Elle-même a été placée en institution toute son enfance. Tant de familles dans le monde sont ainsi brisées, jugées incapables.

Et d’Afrique, en pleine pandémie, Djuma, du haut de ses 11 ans, nous dit : « Cette période est la pire que j’ai vécue. On n’a plus rien. On a faim. Mes parents n’ont pas le droit de sortir, sinon ils ont une amende qu’on ne pourra pas payer. Alors, c’est moi qui sors pour chercher de quoi manger ».

Si tant d’enfants et leur famille vivent encore ces injustices aujourd’hui, n’est-ce pas parce que nous n’avons jamais pris au sérieux la catastrophe permanente de la misère ? Elle tue pourtant, autant, sinon plus, que toutes les guerres et les épidémies.

Depuis toujours, chaque crise que traverse le monde pèse de façon vitale sur ceux qui n’ont rien. Chaque défi que le monde relève sans eux les pousse un peu plus vers le bas. Alors qu’ils ont l’expérience de faire face à la violence, aux inondations, aux incendies, aux sécheresses, aux sols pollués, à l’air irrespirable... Bien avant nous ils ont trié nos déchets, au péril de leur vie parfois. Bien avant que nous ne parlions de crise écologique mondiale, ils nous ont alertés sur les dégâts faits à l’environnement, eux qui vivent et meurent là où personne ne voudrait jamais vivre.

En ces jours, à cause de l’épidémie, des centaines de millions d’enfants n’ont pas retrouvé le chemin de l’école. Des millions d’entre eux vont venir rejoindre ceux qui déjà avant la crise n’y étaient pas attendus. Allons-nous accepter que le monde se prive de toutes ces intelligences comme il s’est toujours privé jusqu’à présent de l’intelligence de ceux qui résistent quotidiennement à la pauvreté ? N’est-ce pas pourtant chez ces enfants, ces jeunes et ces adultes que se trouve une grande part de l’intelligence et du cœur nécessaires pour inventer l’avenir ?

Celles et ceux qui vivent le pire nous apprennent qu’on ne peut séparer la justice sociale et la justice environnementale car il n’y a qu’une seule justice, inspirée d’abord par les personnes et les familles qui en sont privées et qui affrontent l’impossible, ensemble, jour après jour, dans les lieux les plus dégradés de notre planète.

1 Texte extrait du message d’Isabelle Pypaert Perrin lu lors de la commémoration à l’ONU, le 17 octobre, Journée internationale pour l’élimination de

1 Texte extrait du message d’Isabelle Pypaert Perrin lu lors de la commémoration à l’ONU, le 17 octobre, Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté.

Isabelle Pypaert Perrin

Isabelle Pypaert Perrin est déléguée générale du Mouvement international ATD Quart Monde.

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