Cette année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19 et les périodes de confinement qu’elle a imposées, restera source d’enseignements, pour peu que nous abandonnions l’idée illusoire et néfaste de revenir le plus vite possible « au monde d’avant ».
Le titre de notre dossier, emprunté à Albert Camus1, résume parfaitement notre conviction : ce qu’ont enduré en particulier les personnes et familles les plus pauvres tout au long de cette année est un fléau, qui vient alourdir les conditions de vie indignes dans lesquelles elles sont reléguées, parfois depuis des générations. Le confinement s’est révélé un miroir grossissant de ce qui existait déjà et de l’absence de mesures à long terme qui auraient dû être prises bien avant2.
Les équipes d’ATD Quart Monde, sur tous les continents3, ont constaté ces aggravations : baisse des ressources financières, stigmatisation accrue, accès aux biens de première nécessité rendu encore plus aléatoire (eau, assainissement, nourriture), difficultés d’accès à l’éducation, à la culture, aux réseaux sociaux, aux soins de santé, etc. Et, peut-être pire que tout le reste : le sentiment d’être transparents, abandonnés, d’être considérés comme quantités négligeables dans les mesures décidées en urgence par les autorités.
« S’associer entre nous, c’est notre assurance », disent les familles de Tanzanie. « Si le Covid-19 marquera à jamais l’année 2020, la solidarité humaine n’en fera pas moins », assure G. Haddad depuis Beyrouth. Car tels sont la réponse et l’espoir des plus pauvres : se tenir les coudes et se faire entendre pour que leurs souffrances deviennent — enfin — expertises pour l’avenir, et références dans la lutte contre toute exclusion. « Comment pouvons-nous faire pour que les autorités nous écoutent ? Il nous faut penser à ce qui permettra que personne ne soit laissé de côté au moment où le gouvernement sera prêt à nous aider […] Nous devons nous faire entendre » (Margarita, en Bolivie). « Il sera important d’évaluer ce qu’a été le réel souci des politiques publiques à l’égard des personnes en situation de précarité sociale » constatent de leur côté E. Hirsch et A-C. Clause-Verdreau4.
L’état des lieux de la planète dressé par l’économiste G. Giraud5, en vue d’éclairer ce que devrait être un plan de relance verte efficace, est d’une gravité inédite. Et les défis pour élaborer un horizon novateur, colossaux. Sur cet énorme chantier, les citoyens les plus pauvres doivent être considérés comme partenaires et sources d’initiatives6.