À propos du film de R. Guédiguian : Une histoire de fou

Mireille Kupélian

p. 63

References

Bibliographical reference

Mireille Kupélian, « À propos du film de R. Guédiguian : Une histoire de fou », Revue Quart Monde, 238 | 2016/2, 63.

Electronic reference

Mireille Kupélian, « À propos du film de R. Guédiguian : Une histoire de fou », Revue Quart Monde [Online], 238 | 2016/2, Online since 15 October 2016, connection on 02 December 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6652

Ce film, sorti le 11 novembre 2015, soit deux jours avant les attentats de Paris, ne favorise guère le regard serein et distancié qu’il conviendrait de porter sur sa thématique.

Pour ma communauté, il s’agit avant tout d’un film sur le génocide de 1915 - dénié depuis plus de cent ans par l’État turc - et sur la défense de la cause arménienne.

Robert Guédiguian s’est inspiré du livre d’un journaliste espagnol, José Gurriaran, La bombe. En 1980, ce dernier a été gravement blessé par une bombe posée par l’ASALA (Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie). Ne connaissant rien sur le génocide arménien, il a décidé de rencontrer les responsables de l’attentat pour chercher à comprendre ; il est devenu un fervent militant de la reconnaissance du génocide arménien.

Robert Guédiguian ne défend pas la thèse de la violence : il condamne les attentats aveugles. Il constate cependant que le réveil de la question arménienne est passé par la lutte armée des années1975-1985. Jusqu’où peut-on aller lorsqu’on se bat contre une injustice institutionnalisée ?

Soghomon Tehlirian, auteur de l’attentat contre le principal responsable du génocide, fut acquitté par un jury populaire allemand à l’issue d’un procès qui ne dura qu’une demi-heure1. Ce même Talaat Pacha, condamné à mort par contumace par la cour martiale turque pour sa responsabilité dans le génocide des Arméniens, avait fui la Turquie en 1918 pour trouver refuge en Allemagne, pays qui refusait de l’extrader.

Non, les membres de l’ASALA n’étaient pas endoctrinés : ce n’étaient pas des fanatiques religieux déterminés à mourir en massacrant des mécréants, coupables à leurs yeux de pratiquer une religion différente. Ces jeunes gens étaient des militants de bonne foi, engagés dans ce qu’ils pensaient être un combat pour la justice et qui découvrent trop tardivement la voie dans laquelle ils se sont fourvoyés.

Ce premier génocide du 20e siècle a fait près de 1 500 000 victimes, innocentes elles aussi, tout comme le sont les victimes des attentats commis dans différents pays d’Europe, d’Afrique et d’ailleurs.

1 Lire l’interview de R. Guédiguian dans RQM n° 234, Silence, on tourne !, 2015.

1 Lire l’interview de R. Guédiguian dans RQM n° 234, Silence, on tourne !, 2015.

Mireille Kupélian

By this author

CC BY-NC-ND